déterminer la digestibilité des rations contenant des taux croissants de la drêche ensilée des brasseries, du tourteau de palmiste et des coques de cacao chez le porc en croissance finition.
Trois essais de digestibilité ont été réalisés au Centre Régional de Recherche Agricole de Nkolbisson à Yaoundé (Cameroun) de 2001 à 2005 avec pour objectifs de déterminer la digestibilité des rations contenant des taux croissants de la drêche ensilée des brasseries, du tourteau de palmiste et des coques de cacao chez le porc en croissance finition.
Les résultats ont montré que l'incorporation des taux croissants de la drêche ensilée des brasseries, du tourteau de palmiste et des coques de cacao dans les rations alimentaires diminue significativement la digestibilité de la matière sèche, de l'énergie et des protéines brutes. Les coefficients de digestibilité de la matière sèche, de l'énergie et des protéines brutes, estimés par régression linéaire à un niveau maximum d'incorporation des sous- produits ont été respectivement de 51,03 ; 61,0 : 72,0% pour la drêche des brasseries, de 42,0 ; 47,3 ; 60,0% pour le tourteau de palmiste et de 37,1 ; 27,5 ; 12,4% pour la farine des coques de cacao, montrant une meilleure digestibilité des nutriments de la drêche des brasseries suivis de ceux du tourteau de palmiste et des coques de cacao.
Mots clés: Coques de cacao, digestibilité, drêche ensilée des brasseries, porc, tourteau de palmiste
Le Cameroun, à l'instar des autres pays tropicaux, dispose d'importantes quantités des sous-produits agricoles et agro-industriels dont la valorisation optimale pourrait réduire les coûts alimentaires du porc de l'ordre de 30 à 40%. Il s'agit notamment de la drêche des brasseries, des sous-produits du palmier à huile et des coques de cacao.
Les industries brassicoles produisent annuellement des quantités de drêches et de levures qui représentent une source alimentaire potentielle pour l'élevage des porcs et des volailles (Yaakugh et al 1994, Meffeja et al 2003 ; Amaefule et al 2006 ; Demeke 2007). Ce sont des résidus ayant servi à la fabrication de la bière et dont les caractéristiques nutritionnelles peuvent varier en fonction de leur origine et de la proportion des matières premières utilisées dans la fabrication de la bière.
Le tourteau de palmiste, estimé à 18000 tonnes en 2001 (Agristat 2002), est un des sous-produits dérivés de l'extraction de l'huile de palmiste. Il est d'une très grande disponibilité et relativement moins coûteux (50 à 60 FCFA/kg). Il n'a pas connu jusqu'à présent une grande utilisation dans l'alimentation des monogastriques à cause de sa teneur élevée en cellulose (13 à 16%) et de son état graveleux et moins appétissant (Gohl 1981).
Les coques de cacao constituent l'une des sources de déchets agricoles les plus importants, abandonnés en champ après récolte. On estime à 600 670 t/an la quantité du cortex de cacao frais (Agristat 2002), avec une teneur en matière sèche d'environ 15,6%. Ce qui correspond à environ 93704,5 tonnes de matière sèche de coques de cacao.
Les caractéristiques nutritionnelles de ces ressources alimentaires ont été peu étudiées chez le porc au Cameroun. Cependant, des coefficients de digestibilité des protéines brutes de la drêche desséchée des brasseries de 58,9 ; 56 et 77% ont été rapportés chez le porc en croissance, respectivement par Pond et Maner (1974), l'INRA (2002) et Noblet et al (2003). L'INRA (2002), a rapporté également des coefficients de digestibilité de l'énergie brute, de la matière organique et des protéines brutes du tourteau de palmiste respectivement de 42, 47, 63% chez le porc en croissance et de 50, 54 et 77% chez la truie. De même, Agunbiade et al (1999) ont rapporté des coefficients de digestibilité de la matière sèche de 79% et des protéines brutes de 57,3% du tourteau de palmiste chez le porc en croissance.
Les données de la littérature sur la digestibilité des coques de cacao sont rares. Toutefois les coefficients de digestibilité de l'énergie, de la matière organique et des protéines brutes de 20 ; 24 et 0% chez le porc en croissance et de 27 ; 31 et 11% chez la truie ont été rapportés respectivement par l'INRA (2002) et Noblet et al (2003).
L'objectif de la présente étude est de déterminer la digestibilité des rations contenant des taux croissants de la drêche ensilée des brasseries, du tourteau de palmiste et des coques de cacao chez le porc en croissance finition et d'estimer par la méthode de régression linéaire les coefficients de digestibilité des nutriments de ces matières premières.
Les essais rapportés dans la présente étude ont été menés au Centre Régional de Recherche Agricole de Nkolbisson à Yaoundé (latitudes 3°50' et 3°85'N ; longitudes 11°25' et 11°35'E). Cette région agro écologique est caractérisée par une température moyenne annuelle de 25° C, une pluviométrie bimodale variant entre 1500 à 2500 mm /an et une humidité relative de 70 à 90%.
Trois essais de digestibilité ont été menés afin de mieux apprécier la valeur nutritive de la drêche ensilée des brasseries, du tourteau de palmiste et des coques de cacao dans les rations alimentaires des porcs. Les animaux utilisés, étaient de la même souche génétique (Landrace x Duroc x Large White x Berkshire).
Quatre porcs mâles en croissance, de poids moyen 38,5 ± 0,7 kg ont été placés dans des cages à métabolisme de dimensions 1,09 m x 0,54 m x 0,97 m (Photo1) et soumis à un essai de digestibilité suivant le modèle expérimental en carré latin (4 x 4) de quatre périodes d'une durée chacune de 5 jours d'adaptation et 4 jours de collecte totale des fèces, selon la méthode décrite par Prak Kea et al (2003), soit au total 36 jours d'expérience. Chaque cage était munie d'une mangeoire et d'un abreuvoir en matière plastique.
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Photo 1. Cage de digestibilité |
Les animaux ont été soumis à quatre rations alimentaires (D, D20, D30, D40) contenant 0, 20, 30 et 40 % de drêche ensilée obtenues par substitution de la drêche à un aliment de base (D) (Tableau 1).
Cet aliment de base a été formulé à partir du maïs, du tourteau de coton, de la farine de poisson et du son de blé. La consommation alimentaire moyenne quotidienne a été de l'ordre de 90 à 95 g/kgPV0,75, soit environ 1,3 à 1,5 kg d'aliment/animal/jour afin d'éviter les effets stressants des conditions climatiques chaudes (Picard et al 1985). Les animaux ont été nourris une fois par jour et les fèces collectées le matin suivant.
La drêche utilisée (D) provenait de l'usine des sociétés anonymes des brasseries du Cameroun (SABC). Elle a été ensilée à l'état frais dans des sacs de polyéthylènes pendant 2 à 3 semaines.
Quatre porcs mâles en croissance, de poids moyen 42,3 ± 0,6 kg ont été placés dans le même dispositif expérimental qu'à l'essai n°1.
Les animaux ont été soumis à quatre rations alimentaires (P, P10, P20, P30) contenant 0, 10 20, 30% du tourteau de palmiste, obtenues par substitution du tourteau de palmiste à l'aliment complet de base de l'essai n°1 (Tableau 2).
Quatre porcs mâles, avec un poids moyen initial de 32,6 ± 0,9 kg ont été placés dans le même dispositif expérimental qu'à l'essai n°1.
Les animaux ont été soumis à quatre rations expérimentales (C, C10, C20, C30) contenaient 0, 10 20, 30% des coques de cacao, obtenues par substitution à l'aliment complet de base comme à l'essai n°1 (Tableau 3).
Les coques de cacao ont été collectées à l'état frais dans les plantations paysannes de la région de Yaoundé entre octobre et décembre 2004. Elles ont été découpées en pièces et séchées au soleil pendant 8 à 10 jours avant d'être écrasées pour être incorporées dans les rations expérimentales.
Les prélèvements quotidiens des échantillons des matières fécales (10g) ont été aspergés avec une solution de H2SO4 à 2% afin de limiter les pertes d'azote (Huang et al 2003). Ils ont été ensuite séchés à 80°C pendant 72 heures, puis broyés et conservés dans des sachets en plastique, ensuite mélangés afin d'obtenir un échantillon représentatif par traitement.
L'énergie brute des échantillons des aliments et des fèces a été déterminée à l'aide d'un calorimètre adiabatique de Marque Parr et les protéines brutes (N x 6,25) par la méthode de l'AOAC (1984). La matière sèche a été obtenue après séchage des échantillons à l'étuve pendant 72 heures à 80 C°. Les constituants pariétaux ont été déterminés par la méthode de Goering et Van Soest (1970).
Les coefficients d'utilisation digestive apparente (CUDa) de la matière sèche, de l'azote et de l'énergie brute des rations expérimentales ont été calculés suivant la formule : CUDa = (ingéré - fécal) / ingéré.
La méthode de la régression linéaire simple de la forme Y= Ax + B a été utilisée pour estimer les coefficients d'utilisation digestive de la matière sèche, de l'énergie et des protéines de la drêche, du tourteau de palmiste et des coques de cacao à un niveau maximum d'incorporation (Agunbiade et al 1999 ; Ndindana et al 2002). Les coefficients de corrélation ont été calculés et les coefficients de détermination (R2) obtenus en élevant les coefficients de corrélation au carré
L'erreur type de la moyenne (ESM), définit comme le rapport de l'écart type de la moyenne sur la racine carré du nombre d'observation a donné la précision avec laquelle les moyennes ont été estimées.
La composition chimique analysée de la drêche ensilée des brasseries est présentée dans le tableau 4 en pourcentage de matière sèche.
La composition chimique analysée du tourteau de palmiste est présentée dans le tableau 5 en pourcentage de la matière sèche.
La composition chimique analysée de la farine des coques de cacao est présentée dans le tableau 6 en pourcentage de la matière sèche.
Les coefficients de digestibilité apparente de la matière sèche, de l'énergie brute et des protéines brutes (N x 6,25) (Tableaux 7,8, 9) ont diminué significativement avec le niveau croissant de la drêche ensilée des brasseries, du tourteau de palmiste et des coques de cacao dans la ration.
Les nutriments étudiés dans la ration de base ont été mieux digérés, suivis respectivement des rations contenant 20, 30 et 40% de la drêche ensilée (Tableau 7).
La régression des coefficients de digestibilité apparente (ou digestibilité fécale) sur le niveau d'incorporation de la drêche ensilée des brasseries dans la ration de base a permis d'obtenir les équations linéaires simples suivantes pour la matière sèche ( CUDms = -0,24X + 0,75), l'énergie brute (CUDe = - 0,24X + 0,85 ) et les protéines brutes (CUDp = - 0,21X + 0,93 ), avec des coefficients de corrélation significativement négatifs respectifs de rms = - 0,98 ; re = - 0,97 et rp = - 0,98 . Les coefficients de détermination ont été respectivement de R2ms = 0,96 ; R2e = 0,94 et R2p = 0,96.
En introduisant dans les équations de régression linéaire, la drêche ensilée à un niveau maximum de 100%, on obtient par extrapolation pour la drêche à l'état pur, les coefficients de digestibilité apparente de la matière sèche de 51,03%, de l'énergie brute de 61,0% et des protéines brutes de 72,0%.
Les nutriments étudiés dans la ration de base ont été mieux digérés, suivis des rations contenant 10, 20 et 30 % du tourteau de palmiste (Tableau 8).
La régression simple du coefficient de digestibilité apparente sur le niveau d'incorporation du tourteau de palmiste dans la ration de base a permis d'obtenir les équations linéaires simples suivantes pour la matière sèche ( CUDms = - 0,35 X + 0,77 ), pour l'énergie brute (CUDe = - 0,38 X + 0,85) et pour les protéines brutes (CUDp = - 0,34 X + 0,94 ), avec des coefficients de corrélation négatifs significativement élevés respectifs de rms = - 0,98 ; re = - 0,97 et rp = - 0,96. Les coefficients de détermination ont été respectivement de R2ms = 0,96 ; R2e = 0,94 et R2p = 0,92.
En introduisant dans les équations de régression, le tourteau de palmiste à un niveau maximum de 100%, on obtient par extrapolation pour ce dernier à l'état pur les coefficients de digestibilité apparente fécale de la matière sèche de 42%, l'énergie brute 47,3 % et les protéines brutes de 60 %.
Les nutriments étudiés ont été mieux digérés dans la ration de base, suivi respectivement des rations contenant 10, 20 et 30% de la farine des cabosses de cacao (Tableau 9).
La régression simple du coefficient de digestibilité apparente fécale sur le niveau d'incorporation de la farine des coques de cacao dans la ration de base a donné les valeurs suivantes: CUDms = - 0,39X + 0,76 pour la matière sèche, CUDe = -0,57X + 0,84 pour l'énergie brute et CUDp = - 082X = 0,94 pour les protéines brutes, avec les coefficients de corrélation négatifs respectifs de rms = - 0,98 ; re = 0,99 ; rp = -0,98. Les coefficients de détermination ont été respectivement de R2ms = 0,96 ; R2e = 0,99 et R2p =0,96.
En introduisant dans les équations de régression, les coques de cacao à un niveau maximum de 100%, on obtient par extrapolation les coefficients de digestibilité de la matière sèche de 37,1%, de l'énergie brute de 27,5% et des protéines brutes de 12,4% des coques à l'état pur.
La composition chimique analysée de la drêche ensilée des brasseries utilisée est comparable aux données de l'IRZ (1986) pour la teneur en protéines brutes et en cellulose brute (Meffeja et al 2003). Toutefois les teneurs en protéines brutes et en cellulose brute enregistrées dans la littérature varient respectivement de 13 à 30% et de 15 à 40% de la matière sèche (NRC 1998 ; Nguyen et al 2002 ; Huang et al 2003 ; Demeke 2007). Cette grande variabilité pourrait s'expliquer par l'utilisation de différentes proportions des céréales dans la fabrication de la bière.
Le fractionnement de la cellulose brute de la drêche en NDF(Neutral Detergent Fibre) et en ADF(Acid Detergent Fibre) montre des valeurs très proches de la drêche française (INRA 1984) et américaine (NRC 1998) mais légèrement inférieures aux valeurs rapportées par Nguyen et al (2002). Ce qui suggère que ces industries utiliseraient presque les mêmes matières premières dans la fabrication de leur bière. En occurrence le maïs et l'orge qui contiendraient moins de substances fibreuses sont utilisés pour la fabrication de la bière au Cameroun
L'échantillon du tourteau de palmiste analysé a présenté une valeur très faible en protéines brutes (10,1%) et une valeur très élevée en cellulose brute (28,8%) comparées aux données obtenues par Devendra (1977) ; l'INRA (1984) ; l'IRZ (1986) et Agunbiade et al (1999). Ces résultats confirment la variabilité de la composition chimique d'une même matière première en fonction de son origine et de la technologie appliquée pour son extraction
L'analyse chimique de la farine des coques de cacao a montré des valeurs en protéines brutes de 5,9% et en cellulose brute de 21,3% comparables aux résultats obtenus par Branckaert et al (1973) et par Lyayi et al (2001). Toutefois la concentration en cellulose brute obtenue est très inférieure aux valeurs de 32,5 et 45,9% rapportées respectivement par Donkoh et al (1991) et Areghore (2002). Ces résultats attestent encore de la variabilité de la composition chimique d'un sous-produit en fonction de son origine, de la technologie appliquée pour son traitement et même des séries du produit issues de la même usine.
Le fractionnement de la cellulose brute en NDF et en ADF a montré des valeurs respectives de 56,3 et de 43,5% comparables aux valeurs de 52,2 et de 41,9% rapportées par Donkoh et al (1991) et inférieures aux valeurs de 66 et 57% trouvées par Smith et al (1988). Ces auteurs ont également rapporté des concentrations en lignine variant entre 24 et 38%. Les valeurs en NDF et en ADF des coques de cacao ont été de loin supérieures aux valeurs obtenues sur la drêche des brasseries et le tourteau de palmiste. C'est donc un produit alimentaire à la fois pauvre en énergie et en protéines brutes, difficilement digérés par des jeunes porcs en croissance.
La digestibilité des rations contenant des taux croissants de la drêche ensilée des brasseries a montré une réduction linéaire des coefficients de digestibilité apparente de la matière sèche, de l'énergie et des protéines brutes. Autrement dit, la diminution des coefficients de digestibilité apparente des nutriments semble être fonction du niveau croissant de la cellulose dans la ration. Cette assertion corrobore celles de Yaakugh et al (1994) et de Ndindana et al (2002) qui ont rapporté que la digestibilité d'une ration est inversement liée à la teneur en cellulose brute de la ration. Ces auteurs ont utilisé respectivement dans leurs études des niveaux croissants de la drêche desséchée des brasseries et des rafles de maïs en remplacement du maïs dans la ration des porcs en croissance. De même Noblet et al (2003) ont rapporté que les coefficients d'utilisation digestive des nutriments d'un aliment sont affectés à la fois par les caractéristiques chimiques, la technologie mise en œuvre pour traiter le produit, le poids vif, l'âge de l'animal et le type génétique. Cependant, dans une étude récente au Nigeria rapportée par Amaefule et al (2006), aucune différence significative n'a été observée sur les coefficients de digestibilité de la matière sèche (83,4 ; 72,9 ; 81,5 ; 72,9%), et des protéines brutes (89,2 ; 79,3 ; 85,1 ; 81,7) des rations contenant respectivement 0 ; 30 ; 35 et 40% de la drêche desséchée des brasseries. Il a été même observé des coefficients de digestibilité élevés de la cellulose brute variant de 56,4 à 62% et de la matière grasse de 64 à 87,6%, ce qui laisse penser que la cellulose serait principalement de l'hémicellulose plus digestible que la cellulose vraie (Amaefule et al 2006).
La régression linéaire simple des coefficients de digestibilité des nutriments de la ration sur le taux croissant de la drêche montre des coefficients de détermination respectifs de 0,96, 0,94 et 0,96 indiquant que la variabilité de la digestibilité de la matière sèche, de l'énergie et des protéines brutes des rations expérimentales serait expliquée respectivement à 96%, 94% et à 96% par le niveau d'incorporation de la drêche des brasseries dans la ration.
Les coefficients de digestibilité apparente de la matière sèche, de l'énergie brute et des protéines brutes de la drêche des brasseries, obtenus par régression linéaire simple ont été respectivement de 51,03 ; 61,0 et 72 %. Ces faibles coefficients semblent indiquer que la drêche des brasseries utilisée est riche en glucides pariétaux tels que le NDF et l'ADF qui ne sont pas dégradables au niveau de l'intestin grêle mais sont plutôt dégradés par les micro-organismes au niveau du caecum et du côlon en produisant des acides gras volatils utilisés par le porc. En effet, plusieurs auteurs (Dierick et al 1989; Knudsen Bach 1991) ont montré que la digestibilité des glucides cytoplasmiques (sucres, amidon) des principales céréales utilisées dans l'alimentation des animaux monogastriques est finie presque à 96% dans l'intestin grêle. Seuls les glucides des parois cellulaires traversent cette zone pour être digérés par les microorganismes présents dans le caecum et le côlon, conduisant à une croissance bactérienne dans la partie terminale du tractus digestif.
Le coefficient de digestibilité de la matière sèche, proche de celui de la matière organique a été supérieure à celui de 43,3% rapportée par Pond et Maner (1974). Le coefficient de digestibilité apparente des protéines a été supérieur à la valeur de 58,9% rapportée par ces auteurs et inférieurs aux valeurs de 73 et 77% rapportées respectivement par l'INRA (1984) et par Noblet et al (2003). Dans le même ordre d'idée, des coefficients d'utilisation apparente des protéines brutes de la drêche de 71,2 et de 70,2 % ont été rapportés par Llopis et al (1981) respectivement chez le rat et chez le poulet de chair âgés de 30 jours.
Le coefficient d'utilisation digestive de l'énergie a été similaire à celui de 60% rapporté par Huang et al (2003), mais supérieur à 52,4% rapporté par Noblet et al (2003).
Les coefficients de détermination pour la matière sèche (0,96), l'énergie (0,94) et les protéines brutes (0,92), exprimés comme le carré des coefficients de corrélation, ont été aussi significativement élevés. Ce qui montre que la variabilité de la digestibilité de la matière sèche, de l'énergie et des protéines brutes des rations expérimentales est expliquée à 96%, 94 % et à 92% par le niveau d'incorporation du tourteau de palmiste dans la ration. Les coefficients d'utilisation digestive de la matière sèche, de l'énergie brute et des protéines brutes du tourteau de palmiste, obtenus par régression linéaire simple ont été respectivement de 42, 0 ; 47,3 et 60,0%. Ces valeurs sont inférieures à celles de la drêche des brasseries et montrent que le tourteau de palmiste contient une concentration en parois cellulaires (NDF et ADF) plus élevée que celle de la drêche des brasseries. . Toutefois, des coefficients de digestibilité apparente de la matière sèche de 79% et de l'azote de 57,3% ont été rapportés par Agunbiade et al (1999) tandis que Noblet et al (2003) ont trouvé des coefficients de digestibilité apparente de l'énergie et de l'azote respectifs de 42,3 et 63,2 %. La variabilité observée dans ces résultats pourrait être due à l'âge des animaux utilisés ou à la teneur en matière grasse du produit.
La diminution de la digestibilité de la matière sèche, de l'énergie et des protéines brutes de la ration en fonction du niveau croissant de la farine des coques de cacao, confirme les résultats des études antérieures sur l'influence négative des substances fibreuses sur la digestibilité des nutriments (Just et al 1985 ; Close 1993 ; Ndindana et al 2002). La faible digestibilité pourrait être expliquée par la réduction du temps moyen de rétention de l'aliment dans le tractus digestif. IL se pourrait également que l'accroissement de la concentration en farine des coques de cacao dans la ration alimentaire augmente la concentration en NDF, ADF et ADL qui empêchent l'accès des enzymes digestives de l'intestin grêle au contenu cellulaire (Kass et al 1980). Il a été démontré que les rations alimentaires à haute concentration en fibres entraînent une augmentation de la sécrétion du mucus dans le tractus digestif. Ceci semble d'autant plus compréhensible que le rôle de ce mucus est de protéger la paroi du tube digestif.
Les coefficients de détermination de la matière sèche de 0,96, de l'énergie de 0,98 et des protéines brutes de 0,96 sont encore plus élevés que ceux du tourteau de palmiste et montrent la très grande variabilité de la digestibilité des nutriments des rations expérimentales en fonction du niveau d'incorporation de la farine des coques de cacao. Les coefficients d'utilisation digestive de la matière sèche, de l'énergie brute et des protéines brutes de la farine des coques de cacao, obtenus par régression linéaire simple, ont été respectivement de 37,1, 27,5 et 12,4%. Ces valeurs sont encore plus faibles que celles trouvées pour le tourteau de palmiste.
De la drêche ensilée des brasseries à la farine des coques de cacao, il apparaît clairement que la digestibilité apparente ou fécale des nutriments d'un aliment diminue linéairement avec le niveau croissant des substances fibreuses dans la ration. Il est bien connu que les nutriments excrétés dans les fèces ne représentent pas uniquement la fraction non digérée des aliments, mais aussi des enzymes non utilisés, des cellules desquamées de la paroi du tractus digestif et des acides aminés issus de la fermentation microbienne du gros intestin. La fraction de l'azote fécale ne provenant pas de l'azote alimentaire est appelée azote fécal métabolique (AFM). Cet azote est en relation étroite avec la matière sèche ingérée. Plus la ration contient des substances non digestibles, plus les excrétions métaboliques sont importantes, plus le coefficient de digestibilité apparente ou fécale diminue. Ce coefficient peut tendre vers des valeurs nulles ou négatives pour des aliments pauvres en protéines (Ranjhan 1981). Cette observation est conforme aux résultats de la présente étude et à ceux de Noblet et al (2003) qui ont rapporté des coefficients de digestibilité apparente de l'énergie et des protéines des coques de cacao de 20,0% et de 0,0% respectivement.
Les acides aminés apparemment disparus du gros intestin ne sont pas utilisés pour améliorer la rétention azotée. Dès leur entrée dans le gros intestin, ils sont désaminés par les bactéries pour produire de l'ammoniac qui est absorbé et excrété sous forme d'urée dans l'urine (Ndindana et al 2002). Toutefois le côlon semble capable de transformer une partie de ces acides aminés pour les incorporer dans le pool des acides aminés sanguins (Fuller 1991).
La forte corrélation négative observée entre les niveaux croissants d'incorporation des coques de cacao et les coefficients de digestibilité apparente des nutriments est en accord avec les résultats de Barnes et al (1984) qui ont rapporté des valeurs décroissantes des coefficients de digestibilité apparente de la matière sèche de 83,9 ; 86,0 et 47,3%, de l'azote de 83,9 ; 68,2 et 47,4% et de l'énergie de 82,0 ; 64,2 et 40,5% avec des rations contenant des niveaux croissants de la farine des coques de cacao de 0 ; 25 et 50% chez des porcs en croissance finition. En extrapolant les résultats de Barnes et al (1984) par la méthode de régression linéaire simple à un niveau d'incorporation maximale de 100%, les valeurs des coefficients d'utilisation digestive des nutriments étudiés pour les coques deviennent respectivement 17,5% pour la matière sèche, 11,7% pour l'azote et presque nul pour l'énergie. Ces coefficients de digestibilité sont nettement inférieures à ceux obtenus dans la présente étude et attestent de la faible valeur alimentaire des coques de cacao. A Cause de la faible digestibilité de ses nutriments, les coques de cacao sembleraient mieux convenir aux animaux en phase de finition et à des animaux reproducteurs (truies allaitantes) qu'à ceux en phase de croissance rapide. C'est pourquoi les coques de cacao ont été plus valorisées chez les petits ruminants (Adeyanju et al 1975 ; Tuah et al 1984), chez les vaches laitières (Alba et al 1954) et dans l'engraissement des bœufs (Alvaro Liamosas et al 1984).
La synthèse des résultats montre que la concentration en constituants pariétaux (NDF, ADF, ADL) augmente de la drêche des brasseries aux coques de cacao et influence négativement l'utilisation digestive des composantes nutritionnelles du produit. En comparant les résultats obtenus sur les trois sous-produits, il apparaît que la digestibilité apparente des protéines est tributaire de la teneur en azote de la matière première. Elle est plus élevée dans la drêche des brasseries, suivie du tourteau de palmiste et des coques de cacao. Cette observation est conforme à celle de Wolter et al (1982) sur la digestibilité comparée chez le Poney de quatre céréales (avoine, orge, maïs, blé). De même, les coques de cacao sont moins bien digérées que les drêches et le palmiste en ce qui concerne la matière sèche et l'énergie brute.
Les auteurs remercient profondément l'IRAD et le Gouvernement camerounais pour l'appui financier accordé à ce travail à travers les projets BAD (Banque Africaine de Développement) et REPARAC de la coopération française.
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