l'histoire, les origines, les races locales et les principales caractéristiques de l'élevage en Afrique...
La population porcine africaine était évaluée à 19 millions de têtes en 2001 (FAO). Cette population est modeste comparée aux 641 millions de têtes recensées dans les seuls pays en voie de développement.
Quand le cheptel porcin a quintuplé en 25 ans dans les pays en voie de développement (de 1960 à 1985), sous l’impulsion des pays asiatiques, le cheptel africain n’a été multiplié que par 2. Les porcs sont en effet répandus en Asie (552 372 000 dont 454 420 000 en Chine, 20 200 000 au Vietnam et 17 500 000 en Inde), en Europe (194 153 000), en Amérique du Nord (97 445 000), en Amérique du Sud (55 399 000). En Afrique, c’est le Nigeria qui compte la population porcine la plus importante (4 855 000), suivi par l’Ouganda (1 550 000), l’Afrique du Sud (1 540 000), le Cameroun (1 350 000) et le Zaïre (1 000 000).
La viande porcine est la plus consommée au monde, suivie de celle des bovins et des buffles, puis celle des volailles : 40,8 % contre 28,4 % et 25,2 % respectivement en 1993. En Asie, elle représente les 2/3 de la consommation de viandes, mais elle reste peu consommée en Afrique : 8,9 % des viandes consommées en 1993 après les viandes de bovins et de buffles (47,8 %), celles des petits ruminants (18,6 %) et celle des volailles (24,5 %).
Sur le plan de la productivité, la position de l’Afrique n’est pas meilleure : dans l’ensemble des pays en voie de développement, le poids de carcasse abattu, ramené au nombre de porcs recensés, est de 68 kg contre 32 kg en Afrique.
Ce tableau pessimiste de la production porcine africaine cache cependant une grande disparité selon les pays.
La localisation du porc dépend avant tout du contexte historico-religieux. Le porc n’est que peu ou pas représenté dans les pays où l’influence islamique ou copte est prépondérante.
Schématiquement, en Afrique les troupeaux importants sont situés en Afrique de l’Ouest et dans l’Océan Indien (Réunion, Madagascar). On rencontre également des troupeaux moins nombreux mais plus performants en Afrique orientale et australe. En effet, dans ces pays, contrairement au reste du continent, l’introduction du porc est récente (XIXe siècle). Les troupeaux sont constitués d’animaux de races améliorées, le plus souvent d’origine anglaise.
Les croisements avec les races exotiques ont été plus ou moins importants selon les pays, comme l’attestent les poids moyens de carcasse des animaux abattus : moins de 30 kg dans un premier groupe de pays (Guinée, Ghana, Togo, Bénin, Cameroun, Gabon), de 30 kg à 40 kg dans un second groupe de pays (Guinée Bissau, Libéria), plus de 50 kg dans un troisième groupe de pays (Côte d’Ivoire, Guinée Equatoriale, Nigeria, Sierra Leone) (D’Orgeval, 1997). Au Bénin, D’Orgeval constate une contradiction frappante entre un élevage de porc de type occidental moribond et un élevage de porcs de race locale prospère : son étude aborde donc la question de l’intérêt du développement d’élevages de type améliorés face au relatif succès des élevages utilisant la race locale.
Très peu d’observations ont été enregistrées sur le porc local africain, qu’il ait été exploité selon les normes traditionnelles ou dans des conditions améliorées (Branckaert, 1989). Probablement, les quelques études faites sur les races locales africaines ont-elles suffisamment discrédité ces races locales : en effet, dans des conditions d’élevages optimales, les porcs de race locale ont des performances très largement inférieures à celles exprimées par les races exotiques. Pour pallier ces biais expérimentaux et mesurer le réel intérêt des différents génotypes utilisables, Molénat et al. (1986) rappellent qu’il est absolument nécessaire d’élaborer des protocoles expérimentaux qui comparent les performances dans deux types de milieu d’élevage : amélioré et traditionnel, suivant un schéma permettant de mesurer les interactions génotype x milieu (Tableau 1)
Tableau 1. Protocole expérimental permettant de mesurer les interactions génotype x milieu
Amélioré |
Traditionnel |
|
---|---|---|
Exotique | N animaux | - |
Local | N animaux | N animaux |
Ce type de protocole permettrait de mieux mettre en évidence les qualités d’adaptation des races locales. Il n’y est pas nécessaire d’élever des porcs de génotype exotique en milieu traditionnel, ce qui poserait des problèmes trop importants d’adaptation de ces animaux à un milieu très ingrat et très contraignant. On peut toutefois remarquer que la définition d’un milieu amélioré identique pour l’élevage des types génétiques peut difficilement être optimale, au sens économique, pour l’ensemble des deux génotypes : dans le cas des porcs locaux, on utilisera justement leur potentiel d’adaptation pour minimiser les intrants (réduction de la fréquence des traitements sanitaires, valorisation des ressource alimentaires locales,…).
Le porc africain se retrouve entre autres, au Sénégal (Casamance, Cap vert, Sine), en Guinée (Guinée Forestière et autour des grandes villes), en Côte d’Ivoire (dans tout le pays et de façon plus intensive dans le Sud), au Burkina Faso, au Mali (Centre Sud), au Togo, au Bénin (régions Centre et Sud), au Nigeria, au Cameroun, en R.C.A., au Congo et au Soudan. (Meyer, communication personnelle). Il est appelé Somo au Mali, West African Dwarf pig au Nigeria, Ashanti Dwarf pig et Bush pig au Togo.
Les auteurs, tels Dechambre (1924) ou Pierre (1906), en analysant les correspondances morphologiques entre le porc ibérique et le porc local africain ont conclu que ce dernier avait probablement été introduit par les portugais au XVIIe siècle. Cette affirmation est contestée par Epstein (1971) qui suggère trois origines du porc local africain :
Il est donc probable que le porc ibérique a contribué à améliorer la population locale, mais il ne se trouve probablement pas à l’origine de cet élevage porcin en Afrique.
Les descriptions disponibles dans la littérature sont sommaires et souvent très générales. Selon Serres (1973), « les porcs d’Amérique du sud et d’Afrique paraissent dériver du porc ibérique. Ils ont généralement une tête avec un front court, un groin allongé, de petites oreilles portées horizontalement ou légèrement dressées. Le corps, plutôt étroit, est porté par des membres assez longs, les animaux étant de type coureur. La croupe est légèrement inclinée et les jambons relativement peu musclés. On peut déceler chez le mâle une légère prédominance du train antérieur. La peau est souvent noire, parfois pie, rarement blanche. Le pelage est variable ; parfois formé de soies longues et grossières, qui cachent presque la peau, avec une bande de poils plus longs le long du rachis, parfois au contraire peu abondants » Le groin est long et cylindro-conique, effilé à l’extrémité. Tous les animaux ont un chanfrein rectiligne.
C’est donc un animal longiligne, mal conformé, d’une taille assez hétérogène : 0,4 à 0,6 m au sacrum et d’un poids adulte de 50 kg environ (D’Orgeval, 1997). Le nombre de tétines est important, 10 dans la grande majorité des individus observés au Bénin par D’Orgeval. Toujours selon ses observations sur 228 animaux femelles, la truie adulte se caractérise par, en moyenne, une hauteur au sacrum de 50 cm, une longueur totale de 74 cm, un périmètre thoracique de 73 cm et un poids adulte de 31 kg. La longueur du groin est en moyenne de 17 cm.
D’Orgeval a fait des études de barymétrie sur des truies à la mise bas afin de pouvoir évaluer rapidement le poids des animaux (P) par une mesure du tour de poitrine (TP). Il obtient l’équation prédictive suivante :
Cependant l’utilisation conjointe de la longueur totale augmente sensiblement la qualité de l’estimation du poids :
P=0,5554 TP + 0,4070 LT – 39,5763 avec R²= 0,91
L’adjonction d’une troisième variable prédiction comme la hauteur au sacrum dans l’équation ne présente plus d’intérêt pratique.
La fécondité mesurée au Burkina Faso varie de 1,2 à 1,8 portées par ans, pour une prolificité comprise entre 4 et 10, voire 15 au Cameroun. L’âge à la première mise bas est souvent supérieur à 15 mois.
Dans un certain nombre de pays d’Afrique Occidentale (Côte d’Ivoire, Nigeria, Cameroun,…), les animaux qualifiés d’« améliorés » représentent entre 10 et 20 % de la population porcine. Ces animaux, rarement de race pure, sont le produit de multiples croisements entre la race locale et les races exotiques, au gré des importations successives et des approvisionnements en géniteurs exotiques. Au Nigeria, si la race Large White prédomine, il existe également des animaux Hampshire, Landrace, Duroc, Large Black (Pathiraja et al., 1987). En Côte d’Ivoire, des verrats craonnais, Yorkshire, Large White, Landrace et Piétrain ont été introduits (Yedow Lath, 1989). Au Cameroun, on relève des importations de Berkshire, Piétrain, Landrace et Large White (Doukam, 1983). Ces importations sont anciennes et on constate souvent une dégénérescence, expliquée par les auteurs à la fois par de la consanguinité et par une dilution importante des gènes exotiques dans la population locale.
Cependant, la plupart du temps, l’introduction de verrats améliorés a eu peu d’influence sur la race locale. En 1951, De Amanlidis écrivait à ce sujet au Congo Belge : « Les porcs exotiques ou croisés placés en milieu indigène ont donné, suite à des croisements désordonnés, des porcs dégénérés ». Au Bénin, D’Orgeval (1997) décrit le faible intérêt des animaux « améliorés » auprès des éleveurs, en raison du coût trop élevé de leur acquisition et de leur mode d’élevage.
En définitive, en Afrique Occidentale, on a pu identifier quatre populations qui ont été améliorées grâce à l’apport de sang exotique. Ces croisements ont donné naissance à de nouvelles races plus ou moins stabilisées que l’on rencontre soit dans la zone soudano-sahélienne, soit en altitude.
Dans la zone soudano-sahélienne, le porc est généralement peu présent en raison de l’importance de l’islam dans ces régions. Cependant les quelques régions où l’ethnie majoritaire pratique l’élevage du porc se sont avérées favorables à l’amélioration de la race locale. L’exemple le plus connu est celui du « Porc de Korhogo » : « Des verrats craonnais auraient été croisés avec des femelles locales, les meilleurs descendants de ce croisement auraient ensuite été accouplés avec des verrats Yorkshire, la stabilisation de cet étage a donné naissance à la souche de Korhogo » (Yedo Lath, 1989). Selon Meyer (communication personnelle), les importations de reproducteurs Large White remontent à 1934 et l’effectif actuel est d’environ 48 000 têtes. Le porc de Korhogo a connu un succès incontestable, grâce à ses bonnes performances, et a été largement exporté dans les pays limitrophes (Burkina faso, Guinée,…). Dans d’autres zones écologiquement proches, on retrouve également des porcs de format sensiblement plus grand que sur la côte, ayant bénéficié d’un apport de sang exotique : par exemple, le porc Dapaon au Togo et le porc Matéri au Bénin (Adjolohoun, 1991).
Dans les hautes terres du Cameroun (1400 m d’altitude), une souche particulière, le porc Bakwedi, s’est stabilisée après métissage de femelles locales avec des verrats Berkshire (Djouklam, 1983). Si la difficulté d’améliorer la race locale est réellement difficilement envisageable dans lez zones côtières, l’utilisation de ces souches pourrait offrir une alternative intéressante (D’Orgeval, 1997). D’une façon générale, les références zootechniques relatives aux porcins sont peu nombreuses en Afrique de l’Ouest : le Tableau 3 consigne les principaux résultats concernant la reproduction pour différents types génétiques dans différents pays.
Tableau 3. Performances de reproduction de la race locale et des races exotiques en Afrique de l’Ouest (D’Orgeval, 1997).
Locale | Bénin | - | 7,3 | 0,92 | 19,1 | 103 | - |
Locale | Nigeria | - | 6,7 | 0,91 | 15,8 | 102 | - |
Locale | Cameroun | - | 7,8 | 1,15 | 22 | 106 | - |
Large White | Nigeria | 289 | 8,9 | - | 21,4 | 136 | 42 |
Landrace belge | Nigeria | 167 | 9,2 | - | 22,2 | 134 | 42 |
Croisés | Nigeria | 432 | 7,8 | - | 22,8 | 181 | 56 |
Landrace belge | Cameroun | 532 | 9,6 | - | 16,6 | 200 | 56 |
Large White | Cameroun | 85 | 9,3 | - | 27,9 | 194 | 56 |
Large White | Sénégal | 510 | 9,3 | - | 15,9 | - | 35 |
CIRAD © 2007 (All rights reserved) - Disclaimer stating - Page updated : 15/05/2007