La spectroscopie dans le proche infrarouge ( SPIR ) est une technique analytique basée sur le principe d’absorption des rayonnements (infrarouges) par la matière organique. Cette absorption étant liée à la composition chimique des échantillons, on peut estimer cette dernière par la simple mesure de l’absorption de lumière par l’échantillon.
Cette mesure de spectre lumineux se fait avec un spectromètre soit en « transmission » (on mesure la lumière traversant un échantillon fin), soit en « réflexion » (on mesure la lumière réfléchie par un échantillon épais).
La SPIR nécessite cependant une phase d’étalonnage (ou « calibration ») basée sur des mesures de référence obtenues au laboratoire (composition chimique, valeur alimentaire, etc.) et l’établissement des modèles mathématiques qui permettront de relier le spectre infrarouge au résultat de ces mesures.
La SPIR a un grand nombre d’applications dans le domaine industriel (chimie, pharmacie, agro-industries). Au Cirad-emvt elle est utilisée essentiellement pour estimer la composition chimique d’échantillons d’aliments, de fourrages ou de fèces (études de digestibilité).
Elle est rapide : quelques minutes suffisent pour recueillir le spectre d’absorption d’un échantillon, qui servira à la prédiction de sa composition. A comparer avec la très longue durée d’une analyse de composition chimique (plusieurs jours) !
Elle est non destructive : l’échantillon est récupéré intact après analyse. Cette propriété est particulièrement importante pour des échantillons très peu abondants ou que l’on doit conserver pour des analyses ultérieures
4 à 5 grammes suffisent! Elle ne nécessite pas une grande quantité d’échantillons. Dans certaines conditions on peut même réaliser des spectres sur des quantités extrêmement faibles : moins d’un gramme d’échantillon voire une graine unique (ce qui est utile dans des études de génétique des plantes). La principale limite à la réduction des quantités est l’obtention d’un échantillon représentatif du produit à analyser (aliment, fourrage, etc.).
Elle est peu onéreuse : hormis l’investissement initial dans l’appareil et la constitution des « calibrations » pour chaque produit, le coût de passage des échantillons est très faible. Il faut simplement prévoir quelques analyses de référence au laboratoire pour vérifier que la calibration reste correcte au cours du temps et bien adaptée aux nouveaux échantillons. On pratique généralement environ 10% de telles analyses de contrôle.
On appelle « infrarouge » le rayonnement correspondant aux longueurs d’onde directement supérieures à celles du spectre de la lumière visible. Conventionnellement les limites du proche infrarouge se situent entre 800 et 2500 nm.
L’absorption des rayonnements par les échantillons dépend de la composition de la matière organique. En effet les liaisons chimiques sont capables d’absorber les rayonnements correspondant à certaines fréquences particulières. C’est cette propriété des liaisons chimiques de la matière organique que va utiliser la spectroscopie dans le proche infrarouge pour établir un lien entre l’absorption de la lumière et la composition de l’échantillon.
Pour faire cette analyse, l’échantillon va être éclairé à différentes fréquences (ou longueurs d’onde). L’absorption de la lumière à chacune de ces longueurs d’onde constitue le « spectre » de l’échantillon. Ce spectre peut être constitué de plusieurs centaines de longueurs d’onde pour chacune desquelles on a mesuré l’absorption de la lumière.
Cette richesse d’information constitue l’avantage et la difficulté de l’analyse SPIR : beaucoup d’informations sont présentes dans un spectre, mais elles sont complètement emmêlées ! Pour surmonter cette difficulté il faut faire appel à des méthodes statistiques complexes, qui vont permettre de relier les spectres et les analyses chimiques : c’est la phase de « calibration ». Chaque équation de calibration est spécifique d’un paramètre chimique pour une matière première donnée : ce travail doit donc être répété pour chaque nouvelle matière première.
Une calibration est une régression linéaire entre les caractéristiques des échantillons (teneurs en constituants chimiques, etc.) et l’information « infrarouge » (valeurs de l’absorbance de la lumière à différentes longueurs d’onde). L’interprétation des résultats utilise donc les critères statistiques « classiques » pour évaluer la qualité d’une équation de régression linéaire.
La connaissance des critères principaux de caractérisation des modèles permet de juger rapidement de la qualité des calibrations présentées. L’exemple ci-dessous (calibration de paramètres de composition d’un fourrage) permet de voir le type de tableau synthétique utilisé pour décrire une calibration. Trois groupes d’informations complémentaires sont présentés : la caractérisation de la population sur laquelle le modèle a été établi, la qualité de la régression, et sa validation, c’est-à-dire l’évaluation de la précision que l’on aura lors de l’utilisation pratique de la calibration.
Paramètre à étalonner |
N | Moyenne | Ecart type | Termes | SEC | R² | SECV | SEP | RPD |
MO | 236 | 93.0 | 1.54 | 11 | 0.25 | 0.97 | 0.34 | 0.40 | 4.5 |
MAT | 226 | 12.0 | 4.92 | 9 | 0.32 | 1.00 | 0.41 | 0.43 | 12.0 |
NDF | 237 | 62.8 | 7.83 | 8 | 1.12 | 0.98 | 1.29 | 1.45 | 6.1 |
ADF | 236 | 33.5 | 5.60 | 9 | 0.61 | 0.99 | 0.77 | 0.85 | 7.3 |
ADL | 237 | 5.5 | 1.84 | 9 | 0.34 | 0.97 | 0.42 | 0.80 | 4.3 |
La taille de la base de données permet aussi l’utilisation de « calibrations locales » : pour un échantillon donné, il est possible de sélectionner des échantillons spectralement similaires dans la base afin d’établir une prédiction réellement adaptée.
En alimentation animale, la digestibilité des fourrages et aliments est une information extrêmement importante. La SPIR permet dans certains cas une estimation de certains paramètres de digestibilité à partir des fecès des animaux1. Certaines études concernent l’alimentation des ruminants domestiques ou sauvages sur parcours. L’allègement du travail analytique apporté par la SPIR permet des protocoles d’étude plus complets, avec notamment un suivi de nombreux animaux dans l’espace et au cours du temps, alors que les méthodes d’analyse classiques n’auraient pas permis l’analyse des centaines (parfois milliers) d’échantillons impliqués dans ces études.
Dans un autre domaine, la SPIR a permis, en collaboration avec l’INRA, de mesurer la digestibilité des aliments sur des centaines de volailles et de mettre en évidence la variabilité individuelle et l’héritabilité de ce paramètre.
Des études de composition et de valeur alimentaire de sous produits de récolte (sorghos) ont été entreprises afin d’identifier la variabilité génétique de ces paramètres. En effet, à production de grains équivalente, la quantité et la qualité des tiges et des feuilles de sorgho peuvent varier considérablement – d’où l’intérêt de pendre en compte ces facteurs dans la sélection des variétés. Mais ces études nécessitent un nombre très important de mesures, et l’utilisation de la SPIR permet donc une amplification des protocoles mis en place.
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