Alors que les conditions hygiéniques dans lesquelles vivent la population ainsi que celles de l'élevage des porcs sont très médiocres, on observe des infestations massives de la population porcine par des cysticerques de Taenia solium... (d'après un article de la Revue Élev. Méd. vét. Pays trop.).
A study was conducted from May to October 1999 in the Mayo-Danay Department (far north of Cameroon) and Mayo- Kebbi District (southwest of Chad) to determine the prevalence of porcine cysticercosis and identify its main contributing factors. Hygienic conditions, where the population lived and pigs were reared, were very poor and contributed to heavy porcine infections by Taenia solium cysticerci. Out of 126 households visited, 42% did not have latrines. Pigs roaming freely or semi-freely were thus exposed to human feces laid around the habitations. The tongue inspection method to establish a clinical diagnosis showed that 20.5% of the 852 pigs harbored cysticerci. Carcass inspection at local slaughterhouses revealed that 15.7% of the 51 slaughtered pigs were infected. Out of 264 pig sera tested by ELISA for cysticercus circulating antigen detection, 105 (39.8%) were positive. The results showed that Mayo-Danay and Mayo-Kebbi were major foci of Taenia solium porcine cysticercosis.
La cysticercose, due aux larves de Taenia solium ou Cysticercus cellulosae, constitue un problème économique et de santé publique important qui est cependant relativement méconnu dans un grand nombre de pays africains (6, 7, 17). Pourtant, à l’exception des régions où l’élevage et surtout la consommation du porc constituent un tabou religieux, la cysticercose porcine affecte probablement tous les pays au sud du Sahara où les conditions d’apparition et de perpétuation de cette zoonose sont généralement réunies : conditions hygiéniques pauvres, absence quasi généralisée de latrines, surtout dans les zones rurales, divagation permanente ou des porcs (16). Contrairement à l’Amérique latine, les données sur la cysticercose porcine sont cependant plutôt rares en Afrique bien que quelques études y aient été menées. Chambers (4) rapporte qu’au Zimbabwe 67,6 p. 100 des carcasses de porcs saisies en un an dans les abattoirs étaient ladres. Au Nigeria une prévalence de 20 p. 100 a été rapportée dans l’Etat d’Enugu (14). En Tanzanie un taux moyen d’infestation de 13,3 p. 100 a été déterminé dans trois communes du pays (2). Au Cameroun la fréquence et la distribution de la cysticercose porcine sont également assez mal connues.
Les études menées jusqu’ici sur cette maladie ont été focalisées surtout dans la région de l’Ouest (9, 10, 12, 15, 18, 19). Au nord du pays, Awa et coll. (1) ont rapporté que 12,3 p. 100 des 750 carcasses inspectées à l’abattoir de Garoua étaient infestées. Au Tchad, Graber et Chailloux (8) ont rapporté des cas de ladrerie massive chez des porcs abattus à Fort-Lamy. En dehors de ces travaux, il n’existe pas d’autres données sur la cysticercose porcine et humaine dans la partie septentrionale du Cameroun et au Tchad, surtout dans les grandes régions d’élevage porcin de l’extrême nord du Cameroun et du sud-ouest du Tchad (13). C’est pour cela que les auteurs ont entrepris une étude qui a eu pour objectifs d’identifier les facteurs susceptibles de favoriser l’infestation des porcs par les oeufs de T. solium et de déterminer la prévalence de la zoonose. Les diagnostics ont été réalisés sur les animaux vivants et abattus et également par l’examen sérologique grâce au test Elisa-sandwich pour la détection des antigènes circulants des métacestodes du Taenia spp.
L’enquête a eu lieu, d’une part, sur deux marchés du département du Mayo-Danay (extême nord du Cameroun) situés à une dizaine de kilomètres chacun de la frontière entre le Tchad et le Cameroun et, d’autre part, dans 126 élevages dont 70 dans le département du Mayo-Danay et 56 dans la préfecture du Mayo-Kebbi (sud-ouest du Tchad). Ces deux régions d’étude s’étendent entre 9° et 11° 15’ de lat. N., et 14° et 16° 30’ de long. E. Les exploitations, choisies au hasard, abritaient un total de 2 065 porcs. Un questionnaire a servi pour la collecte des données sur le système d’élevage, les conditions hygiéniques et sanitaires dans les exploitations, le niveau de connaissance des éleveurs par rapport au complexe taeniose- cysticercose. Des observations directes sur l’environnement des exploitations ont permis également de déterminer les habitudes hygiéniques des éleveurs ainsi que celles de leurs voisins non éleveurs, mais pouvant avoir des contacts, d’une façon ou d’une autre, avec les porcs.
Un total de 903 porcs de races locales dont 852 vivants (566 adultes de plus d’un an et 286 jeunes de moins d’un an) et 51 abattus (23 de plus d’un an et 28 de moins d’un an) ont été examinés par la méthode du langueyage, pour les animaux vivants, et l’inspection des carcasses pour ceux qui avaient été abattus. Le langueyage consiste à examiner et/ou palper la face inférieure de la langue. L’inspection des carcasses a été effectuée sur les marchés par des infirmiers vétérinaires selon la méthode classique : des incisions ont été pratiquées au niveau des masséters, du coeur, des muscles fessiers, du diaphragme et de la langue.
Des échantillons de sang ont été prélevés sur 255 des 852 porcs vivants qui n’ont pas révélé d’infestation lors de l’examen clinique et seulement sur 9 porcs abattus qui n’ont pas non plus révélé d’infestation lors des examens ante et post mortem. Les sérums ainsi obtenus ont été congelés à -20 °C jusqu’au moment de l’analyse.
L’Elisa-sandwich a été effectué selon Dorny et coll. (5). Les anticorps monoclonaux (Mab) B158C11A10 et B60H8A4 biotynilé ont été utilisés pour capturer les antigènes circulants. Ces MAb ontété développés contre les produits d’excrétion et de sécrétion de cysticerques de T. saginata, mais ils réagissent aussi bien avec ceux de T. solium (3). Le complexe streptavidine-péroxydase et l’orthophénylène diamine ont servi respectivement comme conjugué et comme chromogène. La réaction a été lue à l’aide d’un lecteur Elisa (Multiskan RC, Labsystems) à 492 nm. Le seuil de positivité a été déterminé par comparaison de la densité optique (DO) de chaque échantillon avec la moyenne des DO d’une série de huitéchantillons négatifs (provenant de porcs d’un élevage amélioré sans risque d’exposition aux oeufs de T. solium), au seuil de probabilité de 0,001 (test de Student modifié).
Les tableaux I à III résument les facteurs qui ont favorisé l’infestation des porcs par les métacestodes de T. solium. Ces facteurs ontété la divagation des animaux, le manque de latrines, les défécationsà l’air libre à des endroits facilement accessibles aux porcs et la méconnaissance par la population du mode d’infestation et des aspects zoonotiques et pathologiques du parasite. Bien que la majorité de la population musulmane du Cameroun se trouve dans les trois provinces septentrionales du pays (Adamaoua, Nord et Extrême Nord), elle y constitue cependant moins de la moitié de la population locale. Ce fait est encore plus marqué dans les provinces du Nord et de l’Extrême Nord où la majorité de la population est de religion chrétienne ou animiste. C’est la raison pour laquelle l’élevage du porc y est non seulement présent, mais il y prend depuis quelques années un développement toujours croissant. Les grandes métropoles de Yaoundé et de Douala sont régulièrement approvisionnées en porcs, davantage à partir de ces deux provinces que de celle de l’Ouest où le cheptel porcin est resté sérieusement réduit depuis le début des années 80, suite à l’épizootie de peste porcine africaine (Ppa) enzootique dans la région (11). Les trois provinces du nord sont pour l’instant indemnes de la Ppa (1) et il est à souhaiter que la barrière sanitaire reste suffisamment étanche pour les préserver de cette épizootie. Toutefois, d’autres entraves à l’essor de l’élevage porcin existent dans le nord. Il s’agit notamment des pathologies parasitaires externes (poux, gales, etc.) et internes (helminthoses, etc.) et surtout nutritionnelles qui entraînent des mortalités de 30 à 42 p. 100 chez les porcelets avant l’âge d’un mois (1).
De plus, comme le montrent les tableaux I et II, les porcs sont élevés dans des conditions hygiéniques déplorables : 32,9 et 53,6 p. 100 des exploitations porcines visitées respectivement au Cameroun et au Tchad étaient dépourvues de latrines. Même si, contrairement à ce qui se passe dans la province de l’Ouest (18), les porcheries ne servent pas de lieux de défécations, celles-ci se font le plus souvent à l’air libre dans des endroits facilement accessibles aux porcs dont à peu près 95 p. 100 sont en divagation permanente ou saisonnière (tableau I). Les centres urbains n’échappent pas non plus à cette règle dans la mesure où il y existe des terrains vagues qui servent de lieux de défécation et où les porcs, en divagation permanente, ont l’habitude de se rassembler.
Etant donné la structure des porcheries, généralement construites en matériaux locaux peu résistants, ou le fait que les porcs sont maintenus au piquet, il est possible à ces derniers de s’échapper facilement et de divaguer. Ils sont ainsi exposés à diverses infestations dont l’infestation par les oeufs de T. solium contenus dans les matières fécales humaines déposées à l’air libre. En ce qui concerne le niveau de connaissance des éleveurs au sujet du complexe taeniose-cysticercose, le tableau III montre qu’il y a encore un grand effort à faire dans le domaine de l’éducation sanitaire. Bien qu’environ deux tiers des chefs d’exploitation connaissaient la cysticercose porcine, il a semblé que très peu de gens se rendaient compte de sa relation avec la taeniose et la cysticercose humaine.
Cette étude ainsi que celle de Njoya et coll. (13) menée dans la région de Garoua (province du Nord) indiquent que le Nord Cameroun et le sud-ouest du Tchad sont des régions hyperendémiques pour la cysticercose porcine. Cela s’explique par le fait que les conditions d’infestation des porcs avec les oeufs de T. solium et des hommes par les métacestodes sont réunies dans ces régions. En effet, l’inexistence ou la rareté des latrines, même dans les centres urbains, et les défécations à l’air libre, la divagation permanente ou semi-permanente des porcs, les abattages des porcs qui se font en général à domicile et/ou dans des endroits inaccessibles aux services vétérinaires, l’inspection quasi inexistante de la viande de porcs et enfin la méconnaissance des aspects zoonotiques du parasite constituent des conditions idéales pour l’accomplissement du cycle biologique du parasite et la perpétuation de la zoonose dans les deux régions.
Cette étude a été faite avec le support financier de la Direction générale de la Coopération internationale, Bruxelles (Accord cadre avec l’Institut de médecine tropicale, Anvers).
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