Depuis la fin des années 80, la production vietnamienne porcine s’est largement développée afin de répondre à une forte augmentation de la demande du marché intérieur, notamment urbain.
Depuis la fin des années 80, suite aux réformes économiques entreprises dans le cadre de la politique de libéralisation, la production vietnamienne porcine s’est largement développée afin de répondre à une forte augmentation de la demande du marché intérieur, notamment urbain. De par son importance tant en terme de nombre d’animaux que de foyers agricoles concernés par cette production, notamment au sein du Delta du Fleuve Rouge, ce secteur suscite un fort intérêt pour les décideurs publics locaux et nationaux. Toutefois, du fait même du nombre et de la diversité des acteurs qu’elle concerne, la définition et la mise en place d’une politique sectorielle ne sont pas aisées et la mise en place de décisions concertées au sein de cette filière apparaît difficile. Dans ce contexte, le projet Ecopol, au sein du Paopa, a développé et testé sur cette filière une approche originale combinant des phases d’analyse quantitative et qualitative et des phases de concertation entre acteurs afin d’aider à la définition et à la mise en place de solutions concertées pour le développement de cette filière. Cet article reprend l’essentiel des résultats obtenus par ce projet. Ces résultats sont présentés dans l’ordre des étapes suivies par le projet afin de conserver la logique de l’approche méthodologique développée2. Ainsi, après avoir précisé les enjeux technico-économiques et socio-institutionnels pour le développement de cette filière, les solutions et la stratégie d’action conçues par les acteurs lors des plates formes d’échange et de concertation seront présentées. Enfin, la mise en place de ces solutions, ses conditions et les résultats obtenus seront discutés.
L’analyse de la situation actuelle de la production porcine montre une grande une diversité de formes. En effet, si quelques grandes fermes commerciales produisent actuellement plus de 200 porcs par an, l’essentiel de la production est réalisé par de très nombreuses exploitations familiales de taille modeste. Sur la base d’ateliers à dire d'experts ("expert meeting") et d’une enquête technico-économique menée auprès d’un échantillon raisonné de 120 agriculteurs sur deux provinces du Delta du Fleuve rouge (Ha Tay, en périphérie de Hanoi, et Nam Dinh, sur la frange côtière du Delta), 8 types d’agriculteurs ont pu être définis en fonction de leurs relations avec le marché et leur type de système d’élevage (Tableau 1). On peut ainsi distinguer :
• Les éleveurs naisseurs, représentant moins de 10% des éleveurs, qui sont généralement des exploitants obtenant des revenus totaux relativement élevés, au sein desquels l’élevage porcin, même s’il n’est pas la principale source de revenu, est une activité rentable.
• Les éleveurs engraisseurs, les plus représentés (environ 80 %), qui sont dans des situations contrastées :
Les éleveurs produisant à petite échelle (moins de 6 porcs par an en moyenne), les plus nombreux (60%), pour qui l’élevage porcin est une activité complémentaire, faiblement rémunératrice, mais qui constitue principalement un moyen d’épargne, de valorisation des sous-produits de leur production agricole et de recyclage de la fertilité (production de lisier pour fertiliser leurs rizières)
Les éleveurs produisant sur une plus large échelle (plus de 6 porcs par an en moyenne), pour ces derniers on distingue deux types :
• Les éleveurs pratiquant le pré-grossissement (« Lon got »), type d’éleveurs principalement observé dans la province de Ha Tay et pour qui l’élevage représente une source importante de revenu.
Tableau 1 : typologie des agriculteurs
A | B | C | D | E | F | G | H | |
Type d'élevage | Naisseur | Engraisseur | Porcelet* | |||||
vente de riz | non | oui | non | oui | oui | non | non | non |
Nombre de porcs vendus par an | < 6 | >6 | ||||||
Nombre moyen de porcs vendus par an | - | - | 3 | 3 | 7 | 9 | 24 | 326 |
Poids moyen à la vente (kg/tête) | - | - | 73 | 64 | 76 | 82 | 92 | 25 |
Prix à la vente (Dông/kg) | - | - | 8.387 | 8.810 | 9.260 | 9.530 | 8.975 | 10.950 |
Coût moyen d’un kg d’aliment (Dông/kg) | - | - | 2.345 | 2.440 | 2.230 | 2.465 | 2.005 | 2.015 |
Revenu total (KD/capita/an) | 1.915 | 1.345 | 1.050 | 1.420 | 2.365 | 1.370 | 2.985 | 3.010 |
Part de l’élevage porcin dans le revenu total | 17% | 9% | ~ | ~ | ~ | ~ | 15% | 41% |
Part des activités de transformation et/ou commerce de produits agricoles | 4% | - | 12% | 2% | - | - | 55% | 47% |
Proportion (estimation) | < 5% | < 5 % | 10% | 50% | < 5% | < 5% | 15-25% | < 5 % |
Source : Enquête Ecopol dans le delta du Fleuve Rouge 1998-1999
L’analyse de la situation des producteurs a permis d’identifier les principaux enjeux technico-économiques et problèmes rencontrés au niveau de la production (Tableau 2):
Tableau 2 : Principaux problèmes cités par les éleveurs porcins
A | B | C | D | E | F | G | H | |
Type d'élevage | Naisseur | Engraisseur | Porcelet* | |||||
vente de riz | non | oui | non | Oui | oui | non | non | non |
Nombre de porcs vendus par an | - | < 6 | >6 | |||||
Principaux problèmes cités par éleveurs | Instabilité des prix | faible profitabilité | Faible disponibilité en porcelets, en quantité et qualité | Instabilité(et faiblesse) des prix | faible profitabilité | faible disponibilité en porcelets de qualité | épizootie | |
Long délais de paiement | Relation inégale avec acheteurs de porcs | Instabilité des prix | Longs délais de paiement |
Sur la base d’ateliers à dire d’experts, trois principales filières de commercialisation pour l’approvisionnement du marché intérieur ont pu être identifiées:
L’analyse économique de ces différentes filières a permis de confirmer les faibles marges des producteurs mais a également mis en évidence la faiblesse des marges commerciales au sein de l’ensemble de la filière (Tableau 3). En effet, le prix payé aux producteurs représente entre 82% (filière longue d’approvisionnement) et 92% (filières courte et locale) du prix au consommateur final alors qu’il représente 25 à 40 % dans d’autres pays producteurs de porcs comme les Etats Unis (USDA data- 1990-1999).
Tableau 3 : Coûts et marges au sein de la filière porcine
Outre la faiblesse des marges sur l’ensemble de la filière, plusieurs autres problèmes ont pu être identifiés au niveau de la commercialisation (Tableau 4) :
Tableau 4 : Problèmes rencontrés par les agents aval de la filière porcine
Principaux problèmes cités | Proportion des commerçants | ||
Tous confondus* | Grossistes | Détaillants | |
Délais de paiement | 39% | 40% | 46% |
Instabilité des prix | 28% | 36% | 29% |
Qualité insuffisante | 43% | 40% | 45% |
Manque de capital | 17% | 30% | 19% |
Forte compétition | 17% | 10% | 21% |
Source : Enquête Ecopol dans le delta du Fleuve Rouge 1998-1999
En définitive, l’analyse technico-économique montre une efficacité de la filière porcine dans le nord du Vietnam puisqu’elle parvient à assurer un approvisionnement du marché intérieur à faible coût. Néanmoins, cela se fait au détriment de l’ensemble des acteurs de la filière porcine qui ne dégagent que de très faibles marges de leur activités respectives.
Grâce à l’analyse de la production et de la filière de commercialisation, trois enjeux technico-économiques principaux pour améliorer la performance de la filière porcine ont été ainsi identifiés: (1) la réduction des coûts de l’alimentation, (2) l’amélioration de la qualité des produits, (3) la réduction de l’instabilité des prix et de la production.
Sur la base cette analyse, des ateliers de validation regroupant tous les acteurs de la filière directs (producteurs, commerçants, abatteurs, détaillants) et indirects (autorités et services de l’Etat) ont été organisés dans les différents districts étudiés. Ces ateliers furent l’occasion d’informer largement ces acteurs des résultats de l’analyse, de valider les conclusions et de compléter les résultats de l’analyse. Les débats ont ainsi confirmé la faiblesse des marges commerciales et la forte compétition résultant de la multiplication du nombre de collecteurs et acteurs de la filière. Ils ont validé le fait que la profitabilité de l’élevage dépendait principalement de la possibilité de réduire le coût de l’alimentation.
Malgré cela, il est apparu que peu d’agriculteurs s’orientaient vers l’utilisation de produits moins chers que le riz, d’une part parce qu’ils ne connaissaient pas les techniques d’alimentation permettant de mieux valoriser de tels produits et d’autre part, notamment pour les petits éleveurs, parce qu’ils parvenaient difficilement à s’approvisionner sur le marché pour de petites quantités. Par ailleurs, des éléments nouveaux furent soulignés tels que la difficulté d’accès aux produits vétérinaires et le manque de confiance des éleveurs sur la qualité des intrants proposés.
Enfin, il est apparu que, malgré la demande croissante en porc maigre, il n’existait pas (1) de relation claire entre la qualité des produits porcins et le prix payé au producteur, (2) de relation claire entre le prix payé au producteur et celui de la viande au détail du fait du comportement des détaillants qui mixent les différents morceaux de viande de manière à garder un prix plus stable à leur clientèle. Outre la validation des conclusions des analyses et les compléments, ces ateliers ont permis de faire évoluer la perception des différents acteurs de la filière les uns vis-à-vis des autres. Les agriculteurs ont notamment réalisé que, contrairement aux idées reçues, les marges commerciales des acteurs d’aval n’étaient pas si élevées. Néanmoins si ces ateliers ont permis d’élargir la connaissance des acteurs sur leur système et de faire partager entre les acteurs les enjeux technico-économiques pour l’amélioration de la performance de la filière, ils n’ont pas permis d’identifier des zones de consensus pour la définition d’actions visant à améliorer la performance de la filière. Un second volet d’analyse basée sur la méthode PACT (F.Jesus, 2001) permettant de faire émerger les enjeux socio-institutionnels, enjeux liés aux interrelations entre acteurs, a donc été conduit.
Une série d’entretiens qualitatifs a été menée auprès de 120 parties prenantes de la filière comprenant des acteurs directs (producteurs, commerçants, abatteurs,…) et des acteurs indirects (institutions privées ou d’Etat à différentes échelles - commune, district, province et niveau national - ) afin préciser, d’une part leur perception de la situation actuelle de la filière dans son ensemble et des relations existant entre les acteurs et, d’autre part leurs demandes en terme d’amélioration et leurs offres potentielles d’action pour résoudre ces problèmes. Cette analyse a ainsi permis d’identifier les principaux enjeux et les acteurs clés ayant la volonté et la capacité d’agir favorablement pour faire face à ces enjeux (Tableau 5).
Trois principaux enjeux sont ainsi apparus comme faisant l’objet d’une forte demande de la part de l’ensemble des acteurs :
Pour ces différents enjeux, ayant fait l’objet d’un large consensus quant à la nécessité d’y faire face, l’analyse des demandes en terme d’amélioration souhaitée et des offres potentielles d’action a montré que les principaux acteurs semblant pouvoir proposer des actions répondant aux demandes des autres étaient les acteurs indirects tels que les autorités locales ou nationales et les organisations d’agriculteurs officielles. Parmi les acteurs directs, les abatteurs-grossistes urbains ont été identifiés comme les principaux acteurs présentant une forte complémentarité avec les demandes d’autres acteurs. Cependant, cela n’était pas perçu par la plupart des acteurs qui ont une vision bipolaire des relations au sein de la filière avec d’un côté les autorités de l’Etat (et entreprises d’Etat) et de l’autre les producteurs. Il est ainsi apparu que les principaux acteurs reconnus par les autres comme légitimes pour mettre en place concrètement des actions étaient les acteurs indirects et que peu d’acteurs directs considéraient en effet qu’il était de leur rôle de concevoir et de mettre en place des améliorations.
Deux autres enjeux ont été soulevés au cours de cette analyse : l’amélioration de l’efficacité du système de collecte au niveau des producteurs et l’amélioration de la sécurité sanitaire ("food safety"). Cependant, ces enjeux ne faisaient pas l’objet d’un large consensus. En effet, pour le premier, si les autorités, du niveau national au niveau communal, pensent que le système de collecte doit être amélioré, les producteurs ainsi que la plupart des acteurs d’aval à l’exception des entreprises d’Etat ne partagent pas ce point de vue. Compte tenu de la nécessité d’une importante implication des producteurs pour améliorer le système de collecte (mise en place de groupes, concentration de la production, contractualisation avec commerçants,…), la définition de solutions concertées semble difficilement envisageable.
Pour le second, la perception du problème est très différente entre les acteurs. Si les consommateurs, les détaillants, les grossistes, les vétérinaires et les agents de l’Etat chargés du suivi des marchés y sont sensibles, les producteurs et les autorités locales, provinciales et nationales y accordent encore peu d’importance. Dans ces conditions, alors que la demande des consommateurs pour plus de sécurité alimentaire est au moins égale à la demande en porc maigre (V.Ginoux, 2001), une recherche de solution concertée avec les acteurs concernés semble prématurée.
Tableau 5 : Enjeux socio-institutionnels et acteurs clés
Enjeux | Acteurs clés* | |
Problèmes | Types d'actions envisagées | |
1 – Améliorer l’efficacité du système d'échange post-collecte | commerçants, Etat, compagnies d'Etat, abatteurs de Ha Noi, détaillants | |
production ne répond pas aux demandes du marché pas de système d'information sur le marché instabilité des prix et de la production |
trouver des nouveaux marchés (intérieur et export) développer la transformation et le stockage en froid réduire le nombre d’intermédiaires, établir des contrats commerciaux |
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2 – Améliorer l’efficacité de la production (au niveau des producteurs) | Vétérinaires, producteurs, autorités communales, service de vulgarisation | |
coût d'alimentation trop élevé qualité des aliments et produits vétérinaires non garantie progrès technique faiblement diffusé difficulté d'approvisionnement en porcelets de qualité |
assurer la sécurité vétérinaire améliorer les techniques de production améliorer les pratiques d'alimentation améliorer la qualité des porcelets |
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3 – Adapter la production aux demandes du marché | Eleveurs avec production plus importante, autorités communales, Etat, compagnie d'Etat, service de vulgarisation | |
techniques de production de porc maigre peu appliquées critères de fixation du prix peu clairs produits de qualité très dispersés |
adapter les races de porcs améliorer les techniques d'élevage formation des producteurs |
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4 – Améliorer l’efficacité du système de collecte (au niveau des producteurs) | compagnies d'Etat, abatteurs de Ha Noi | |
quelques intermédiaires sont en position de monopole local | contrat direct avec coopératives ou groupes de producteur se chargeant de trouver les marchés améliorer la qualité de viande et l’adapter au goût du marché |
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5 – Améliorer la sécurité sanitaire | service vétérinaire | |
commercialisation des porcs malades pas de garantie de la qualité sanitaire des produits porcins commercialisation et utilisation d'aliments et produits vétérinaires pouvant avoir un impact négatif sur la santé des consommateurs |
pas de commercialisation d’animaux malades ou morts système de garanti de la qualité de la viande développement des contrôles sanitaires étatiques, interdiction des produits présentant un risque pour la santé du consommateur |
Source : Enquête institutionnelle Ecopol 2000
Les enjeux technico-économiques et socio-institutionnels identifiés, un travail de définition des solutions et d’une stratégie concertée pour le développement de la filière porc est réalisé avec les acteurs au cours de différents ateliers : des ateliers de discussion/concertation visant à définir les solutions à apporter et un atelier prospective pour définir une stratégie d’action.
Définition de solutions concertées
Des plate-formes de discussion/concertation regroupant les acteurs directs et indirects de la filière (de type « policy arena » – R. Bourgeois, 1997) ont été mises en place au niveau des provinces afin de définir des solutions répondant aux trois enjeux identifiés lors de l’analyse institutionnelle comme faisant l’objet du plus large consensus et pour lesquels des interactions positives pouvaient donc être attendues :
Pour faire face aux enjeux identifiés, les acteurs ont définis lors de ces ateliers plusieurs axes de solutions et envisagés les moyens et les acteurs pour les mettre en place (Figure 1).
Figure 1 : Propositions de solutions par les acteurs
Source : atelier Ecopol (mai 2001)
Afin d’orienter la production pour répondre à la demande du marché, deux types de solutions ont été envisagés par les acteurs, l’un concernant l’organisation de la production et de la commercialisation et l’autre l’émergence d’une organisation spécialisée dans le conseil aux producteurs.
La discussion entre consommateurs, producteurs et commerçants a montré que, d’un côté, les commerçants ne parvenaient pas à obtenir un approvisionnement suffisant en porc maigre et que, dans le même temps, les producteurs n’osaient pas s’engager dans la production de porc maigre par peur de ne pas pouvoir écouler leurs produits et/ou de ne pas obtenir un meilleur prix pour ce type de production. Lors de ces réunions, les acteurs conclurent que la solution résidait dans la mise en place de contrats entre les deux parties : les producteurs s’engageant à produire une quantité suffisante de porcs en recourrant à des techniques de production permettant de garantir une certaine qualité, les commerçants s’engageant quant à eux à acheter l’ensemble des produits fournis et à valoriser les porcs de qualité (viande maigre) à un prix supérieur à celui du porc « gras ». Afin de mettre en place cette solution, deux pré-requis ont été identifiés (1) l’organisation des producteurs en groupes, basés sur le volontariat et respectant les conditions et les choix individuels de chacun, et (2) le suivi du contrat par une tierce partie, ce rôle pouvant être joué par les autorités communales ou le service de vulgarisation du district, ce qui, dans ce dernier cas, devait de plus les aider à développer et mettre en place de nouveaux modes de production et stimuler la confiance des commerçants.
Dans les deux provinces, bien que le système de vulgarisation fonctionne, il est apparu qu’existait un fort besoin en conseil spécialisé sur un produit, le porc, plus proche des agriculteurs et s’occupant à la fois de production et de commercialisation. Le rôle d’une telle organisation serait de conseiller les producteurs sur les pratiques vétérinaires, l’alimentation, les techniques de production, de les informer sur les marchés (tendances, types de demande) mais également de fournir un appui à l’émergence et au fonctionnement de groupes de production, ainsi qu’à l’aide à la définition et à la mise en place de contrats entre producteurs et commerçants.
Afin de réduire les coûts de production, principalement liés au coût d’alimentation, les acteurs ont proposé deux solutions :la production d’aliments par les producteurs eux-mêmes et la création d’unités locales de production d’aliments.
Pour cette première solution, il a été envisagé une production individuelle ou à l’échelle du groupe de production, réalisée en achetant et mixant des matières premières, afin de fournir des aliments à un coût inférieur à celui des aliments industriels. Les techniques de formulation des aliments n’étant pas connues de tous les producteurs, l’efficacité d’une telle solution repose sur le développement d’un conseil permettant de choisir les produits et de les mixer efficacement.
La seconde solution envisagée était la mise en place, au niveau des localités, de petites unités de production d’aliments pour animaux. Cette option suppose un fort engagement de l’Etat, d’une part, pour autoriser la mise en place de telles structures, et, d’autre part, pour fournir un appui technique et financier.
Afin de développer et rechercher de nouveaux marchés, les acteurs ont reconnu la nécessité d’améliorer l’environnement commercial et, notamment, les lois commerciales. Ils ont recommandé deux types de solutions.
Si les acteurs privés sont reconnus aux côtés des entreprises d’Etat pour le rôle essentiel qu’ils peuvent jouer dans le développement et la recherche de nouveaux marchés et, si beaucoup de commerçants privés sont prêts à s’engager dans la transformation et l’exportation, ces derniers se heurtent encore à de nombreuses difficultés : problèmes d’accès au crédit (difficulté des procédures pour l’obtention de taux d’intérêt spéciaux), manque d’informations sur les procédures d’exportation, manque d’informations sur les partenaires potentiels, souvent orientés par les autorités locales vers les entreprises d’Etat par manque de connaissance du tissu des acteurs privés. Partant de ce constat, les acteurs ont souhaité une meilleure reconnaissance des entreprises privées dans leur rôle pour le développement de nouveaux marchés et la création d’un service « tous en un » (“all in one”) accessible au niveau des provinces et en ville (par exemple à Hanoi) pour informer les commerçants (privés et d’Etat) sur les possibilités de crédit, les procédures administratives et faciliter le lien entre les entrepreneurs nationaux privés et les acheteurs étrangers.
Les débats ont également montré la nécessité de développer un système de résolution des non-respects des contrats entre commerçants, notamment sur la question des délais de paiement entre commerçants privés. Il existe un système légal pour résoudre les problèmes liés aux contrats commerciaux mais les acteurs ne l’utilisent pas car il n’est pas en mesure de fournir des solutions rapides et requiert des documents écrits justifiant des contrats qui n’existent que rarement. C’est pourquoi les acteurs ont recommandé la mise en place de nouveaux systèmes d’arbitrage plus souples.
Les ateliers de discussion/concertation ont permis d’identifier un faisceau de solutions pour faire face aux principaux enjeux perçus par les acteurs sur la filière porc. La plupart des solutions supposant la mise en place d’actions collectives et/ou nécessitant une plus forte coordination entre les acteurs et la modification des règles d’interaction entre ces derniers, la mise en place d’un plan d’action concerté s’est avérée nécessaire. Pour ce faire, un atelier d’analyse prospective regroupant les différents acteurs directs et indirects de la filière a été organisé afin de mener une réflexion commune sur l’avenir de la filière porcine.
Cet atelier se proposait plus particulièrement d’aider les acteurs de la filière à définir les facteurs les plus influents pour l’avenir de la filière, d’élaborer plusieurs scénarii contrastés, d’en saisir les risques et les opportunités pour élaborer une stratégie commune d’action pour minimiser ces risques et favoriser l’occurrence des opportunités positives. Cet atelier a ainsi permis d’identifier que les 3 facteurs les plus influents pour l’avenir de la filière porcine sont :
Après avoir défini les différents scénarii possibles, les acteurs ont évalué leurs risques et opportunités et envisagé des actions permettant de limiter ces risques et de favoriser les opportunités positives pour le développement futur de la filière (Tableau 6).
Tableau 6 : Risques et opportunités pour le développement futur de la filière et stratégie d’actions
Situation favorable ou risquée | Actions proposées | |
Issues favorables | Croissance de la demande des consommateurs en quantité et en qualité |
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Politique gouvernementale pour la réduction des coûts de production |
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Coordination entre les acteurs de la filière |
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Risques à éviter | Compétition sur les prix avec produits étrangers |
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Compétition sur la qualité avec les produits étrangers |
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Systèmes intégrés de production-commercialisation avec une faible implication des producteurs et commerçants locaux |
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Deux principaux risques ont ainsi été identifiés :
Afin de faire face à ces risques, les acteurs ont élaboré une stratégie dont l’élément central est la mise en place de nouvelles formes de coordination entre les différents acteurs directs et indirects conduisant au final à la création d’un modèle pilote d’organisation interprofessionnelle (« mo hinh lien ket ») au sein duquel (Figure 2):
Figure 2 : Schéma d’organisation interprofessionnelle envisagé par acteurs
Le consensus autour de la création d’un modèle pilote d’organisation interprofessionnelle pour résoudre l’ensemble des enjeux majeurs pour du développement de la filière obtenu, sa mise en place reste à opérer. Elle suppose la mise en place de nouvelles formes de coordination à trois niveaux:
Nous présenterons dans un premier temps les premiers résultats obtenus puis les difficultés rencontrées et les solutions envisagées par les acteurs au cours du processus d’appui à la mise en place de ce système.
Suite à la décision d’initier ce modèle, plusieurs résultats ont été enregistrés, concernant d’une part la mise en place de groupes de production et le développement d’une production de qualité et, d’autre part la mise en place d’une relation commerciale directe entre producteurs et abatteur pour une meilleure valorisation des produits porcins. Ainsi un groupe d’une dizaine de producteurs de la province de Ha Tay, district de Hoai Duc, souhaitant développer l’élevage porcin de qualité (viande maigre) s’est mis en place et a été reconnu par les autorités de la commune. Ces producteurs, après avoir reçu une formation sur les techniques d’élevage porcin de qualité, basées sur les résultats expérimentaux obtenus avec les groupes de producteurs du district de Nam Sach, province de Hai Duong (Vu Trong Binh, 2001), ont adopté de nouvelles méthodes de production qui se sont concrétisées par l’utilisation de nouvelles races de porcs (recours accru à des porcs trois-quarts ou 100% exotiques fournis par la compagnie d’élevage de la provinciale) et le recours à une alimentation en sec plus riche en protéines. Ces changements de pratiques d’élevage et la mise en place d’achats groupés d’aliments permettant de réduire les coûts d’achat des matières premières pour l’alimentation de 200 à 700 dong/kg, ont conduit à un accroissement de la performance technique des élevages et à l’amélioration des résultats technico-économiques des producteurs (Tableau 7).
Tableau 7 : Evolution des performances technico-économiques des éleveurs du groupe de producteurs de Hoai Duc
Poids à l'achat des porcelets (kg) | 10,7 | 15,1 |
Durée d'élevage (mois) | 5,6 | 4,6 |
Poids carcasse unitaire à la vente (kg) | 72,5 | 65,2 |
Poids vif unitaire à la vente (kg) | 103,1 | 86,7 |
Taux de carcasse (%) | 70,3 | 75,2 |
Gain moyen mensuel (kg/mois) | 16,1 | 17,2 |
Indice de conversion (kg d'aliment / kg de gain de poids) | 4,1 | 2,6 |
Coût unitaire aliment (Dông/kg) | 2 300 | 2 419 |
Coût alimentation par kg de gain de poids (Dông/kg de gain de poids) | 9 430 | 6 290 |
Par ailleurs, suite aux ateliers de concertations entre acteurs de la filière, des relations de commercialisation directe entre producteurs et un abatteur-grossiste de Hanoi ont pu être établies. Alors que les porcs étaient préalablement vendus à la ferme auprès d’abatteurs locaux ne valorisant pas la qualité, le développement de cette relation de commercialisation directe a permis de garantir un débouché aux produits du groupe de producteurs et d’obtenir un paiement selon la qualité, basé sur quelques critères tels que l’épaisseur de gras dorsal et celle des psoas (indicateurs pour la teneur en gras) et la conformation, jugée selon la grosseur des jambons et des côtes. Avec une meilleure qualité des produits et une relation commerciale suivie, les producteurs ont obtenu une meilleure valorisation de leur production. Ainsi, sur un ensemble de 13 commercialisations directes de porcs produits par le groupe, effectuées entre juin 2001 et février 2002, le prix moyen d’achat de la carcasse aux producteurs a été 11 fois/13 supérieur et 2 fois/13 égal à celui de produits provenant d’autres sources d’approvisionnement et commercialisés le même jour par le même abatteur (Figure 3). Les producteurs ont ainsi obtenu un premium allant jusqu’à 900 dong/kg (soit 8% du prix moyen observé pour les autres sources d’approvisionnement) et égal, en moyenne pour l’ensemble des lots, à 300 dong/kg (soit 3% du prix moyen observé pour les autres sources d’approvisionnement).
Au final, cette nouvelle forme de commercialisation directe auprès d’un abatteur de Hanoi a permis aux producteurs du groupe de production de dégager une marge, après déduction du surcoût lié au transport, supérieure d’environ 1000 Dong/kg de carcasse à celle obtenue lors d’une vente directe à la ferme auprès d’abatteurs locaux. Par ailleurs, les contacts répétés des éleveurs avec l’abatteur leur ont fourni une meilleure information sur les prix et les évolutions de la demande du marché.
Figure 3 : Prix de vente des porcs à un abattoir de Ha Noi
Source : Suivi Ecopol 2001-2002
Si des résultats encourageants ont été observés, plusieurs difficultés sont apparues au niveau de la production et du fonctionnement du groupe ainsi qu’au niveau de la commercialisation et de la « contractualisation » avec l’abatteur-grossiste. Au niveau du fonctionnement du groupe, l’absence d’un engagement fort du chef de groupe a été préjudiciable aux activités de l’ensemble des producteurs du groupe. Celui-ci a en effet progressivement utilisé les relations développées avec l’abatteur pour commercialiser non plus les porcs du seul groupe de producteurs mais préférentiellement ses propres animaux et d’autres qu’il collectait en dehors des membres du groupe ce qui a nuit à l’image du groupe (en terme de qualité de produit) et discrédité la relation de confiance nécessaire au développement d’un accord commercial à plus long terme.
D’autre part, en l’absence d’une animation régulière par son chef, le groupe n’a pas connu une mobilisation suffisante pour poursuivre efficacement des actions collectives visant à réduire les coûts d’alimentation via des achats groupés et à obtenir des crédits pour l’achat d’intrants et de truies (développement d’une auto-production de porcelets de qualité face aux difficultés d’approvisionnement en porcelets ¾ ou 100 % exotiques).
Par ailleurs, plusieurs problèmes techniques occasionnant des risques accrus pour les éleveurs restaient sans solution, du fait d’une absence de conseil technique régulier, rapide et approprié, notamment en terme de maladie et d’alimentation (évaluation de la qualité des matières premières, adaptation des rations en fonction du prix de revient des matières premières tout en garantissant une alimentation compatible avec une production de qualité) ce qui a conduit à une réduction de la qualité des produits et à la réduction dans le temps de l’écart de prix observés (Figure 3).
Enfin, la commercialisation groupée et directe a soulevé de nouveaux problèmes. Même si les accords verbaux permettent d’assurer l’écoulement des produits à l’abattoir, le prix final de chaque animal reste fonction des négociations entre l’abatteur-grossiste et les détaillants. Ainsi, si une fourchette de prix peut être garantie par l’abatteur-grossiste, une certaine incertitude demeure quant au prix de vente final de chacun des porcs et ce d’autant plus que les éleveurs doutent de la capacité de l’abatteur à « bien » négocier la vente de leurs produits. Par ailleurs, la commercialisation directe à l’abatteur occasionne des coûts supplémentaires, notamment de transport, et présente des risques (mortalité des animaux pendant le transport) que les agriculteurs sont peu enclins à assumer et qu’ils parviennent difficilement à gérer collectivement.
L’analyse des résultats du suivi des activités et les entretiens complémentaires menés avec les acteurs concernés ont permis d’identifier comme principales causes des difficultés rencontrées, l’absence d’un conseil régulier auprès des agriculteurs en terme d’organisation, de technique et de marché d’une part, et l’absence d’une structure de suivi et de pilotage pour l’ensemble du modèle d’autre part.
Sur la base du bilan des activités réalisées, un atelier de suivi-concertation a été ouvert entre les différents acteurs concernés par la mise en place de ce modèle. Il a permis de valider les conclusions du suivi et de confirmer l’intérêt des différents acteurs directs pour la mise en place de ce système. Il a montré que les abatteurs étaient toujours prêts à fournir un débouché stable (commercialiser l’ensemble de la production proposée) et à proposer une bonne valorisation de la qualité des produits mais que, face à cela, la principale difficulté se posait au niveau de la capacité des producteurs à s’organiser pour fournir une production de qualité. La constitution de groupes de production et leur bon fonctionnement est ainsi apparue comme un préalable à la mise en place d’une contractualisation durable.
Dans ce contexte, l’absence d’institution de suivi-pilotage du système et de conseil, susceptibles d’apporter un appui à la constitution et l’organisation de groupes de producteur et pouvant leur fournir un conseil technique régulier a été identifiée comme la principale limite à la mise en place d’un modèle pilote d’organisation interprofessionnelle. L’atelier a donc poursuivi ses travaux en envisageant les formes institutionnelles adéquates. Si la constitution d’un Comité de pilotage composé de représentants de l’ensemble des acteurs de la filière est apparue souhaitable à la plupart des acteurs directs de la filière, il n’a pas fait l’objet d’un consensus élargi.
En effet, les autorités locales et provinciales ne se sont pas avérées favorables à la mise en place d’une telle structure en raison du faible nombre de producteurs concernés. Il a cependant été convenu au cours de l’atelier qu’une structure de suivi-pilotage pourrait être émerger à terme en lien avec la mise en place d’un comité de direction pour le développement rural (« Ban Chi Dao ») à l’échelle du district en application de la résolution centrale n°5 sur le changement de structures économiques.
En attendant, la création d’un Groupe de conseil aux producteurs de porc (« Nhom Tu Van ») au niveau du district a été décidée et reconnue par le comité populaire du district. Ce Groupe a pour fonction de fournir un appui en terme d’organisation, de technique et de connaissance du marché aux producteurs. Il est composé des responsables des différents services du district (chef du service agricole, chef du service vétérinaire, chef du service de vulgarisation), de membres exécutifs issus de chacun de ces services au niveau du district ainsi que de représentants locaux (chargé communal de l’agriculture, agent vétérinaire communal) - Figure 4. Les tâches assignées à ce Groupe de conseil sont de plusieurs ordres. Elles concernent, en premier lieu, l’appui à la mise en place de groupes de producteurs volontaires souhaitant développer des systèmes de production de porcs de qualité. Cela suppose une évaluation préalable des principaux problèmes des agriculteurs, basée sur des enquêtes spécifiques, l’identification d’agriculteurs volontaires ayant pour objectif commun le développement d’élevages engraisseurs tournés vers la qualité, l’animation de réunions de concertation pour les aider à construire les règles de fonctionnement de leurs groupes. Cela suppose également d’assurer un appui technique initial aux producteurs sur l’élevage porcin de qualité (choix des races, alimentation, techniques d’élevage, gestion vétérinaire) en lien avec leur demande.
Enfin, ce Groupe de conseil est appelé à fournir un conseil régulier à ces producteurs en fonction des problèmes émergeants au fur et à mesure que leur production se développe ce qui suppose que le Groupe de conseil se dote d’un mode de suivi efficace et peu coûteux et dispose de moyens appropriés pour fournir un conseil pertinent. Par ailleurs, au-delà de ce rôle de soutien aux groupes de producteurs, le Groupe de conseil a pour mission d’informer régulièrement les autorités locales des tendances du développement porcin dans leur district. Il doit donc identifier les principaux enjeux et proposer des solutions qui doivent être discutées entre les différents acteurs. Constituant à ce titre une interface entre les acteurs directs de la filière et les autorités en charge de son développement local, il joue ainsi le rôle de conseiller auprès des autorités locales pour l’élaboration de politiques locales donnant plus de place à la concertation.
Pour jouer ce rôle, il devra donc mettre en oeuvre, à terme, un système de suivi plus large (à l’échelle du district) permettant de juger des performances de différents modes de développement (groupe de producteurs, producteurs individuels, système intégré, etc.). Enfin, en informant et en permettant l’échange d’informations entre les différents acteurs par l’organisation régulière d’ateliers de concertation, il participe à l’élaboration de nouveaux modes de coordination entre l’ensemble des acteurs concernés par le développement de la filière (acteurs directs – producteurs et groupes de producteurs, commerçants - et indirects – autorités locales-). Il participe ainsi à la mise en place d’une gestion concertée du développement durable de la filière.
Pour réaliser l’ensemble de ces fonctions, il a été décidé par les membres du Groupe de conseil que l’ensemble des services qui le constituent (agricole, vétérinaire, vulgarisation) devait travailler ensemble et se coordonner pour élaborer et fournir le conseil. Il a été nécessaire de définir plus précisément le rôle de chacun des membres. Ainsi, la coordination globale du Groupe de conseil incombe aux représentants du service agricole, entité transversale reconnue par les autres institutions dans ce rôle. Outre cette fonction de coordination générale, les membres du service agricole assurent les relations entre le Groupe de conseil et les autres institutions locales (notamment les autorités locales) et sont chargés du conseil aux agriculteurs en terme de marché et d’organisation (formation et fonctionnement des groupes de producteurs), ainsi que du développement de leurs relations avec les autres institutions (contractualisation avec les commerçants, banques, autorités,… ). Les services vétérinaires sont quant à eux en charge des conseils et du suivi dans le domaine sanitaire. Enfin, le service de vulgarisation, associé aux autres institutions, assure les formations et le conseil sur les pratiques d’élevage. Avec une fonction première de suivi et de conseil technique et organisationnel aux agriculteurs, la constitution de ce Groupe de conseil constitue une avancée significative vers la mise en place d’un modèle pilote d’organisation inter-professionnelle.
En effet, la tenue de réunions avec l’ensemble des acteurs de la filière et l’information régulière des autorités sont à même de permettre une plus grande interaction entre les différentes parties prenantes du développement de la filière et de pérenniser un processus de concertation locale pour la définition de stratégies de développement local.
Figure 4 : Modèle interprofessionnel et Groupe de conseil
Source : atelier Ecopol Mai 2002
Assurer la capacité du Groupe de conseil à remplir l’ensemble des fonctions qui lui ont été attribuées à l’échelle du district pose de nouveaux enjeux pour la recherche dans le domaine de l’appui institutionnel. En effet, compte tenu des ressources humaines et financières limitées qui sont celles des services étatiques actuellement, un fonctionnement efficace du Groupe de conseil suppose le développement d’innovations touchant aux modes de suivi, aux modes de fourniture du conseil et aux relations avec les acteurs locaux.
En premier lieu, le mode de suivi est primordial pour garantir une bonne adéquation entre les besoins des agriculteurs et les conseils fournis. Il nécessite de développer et de mobiliser des outils pour la prise de données (rapide et à une échelle pertinente) ainsi que des outils d’analyse permettant de mieux saisir les besoins des agriculteurs, de définir de manière concertée (ateliers) les thèmes prioritaires des formations et des actions à mener. Etant donné le contexte de ressources limitées, le suivi efficace des activités des producteurs ne pourra se faire sans une forte implication des producteurs eux-mêmes en tant que fournisseurs volontaires d’informations, ce qui nécessitera l’émergence de nouvelles formes de relations (contractuelles ?) entre producteurs et fournisseurs de service.
Par ailleurs, la qualité du conseil assuré dépendra de la capacité du Groupe de Conseil à fournir rapidement des messages appropriés et de qualité. Cela suppose que le Groupe de conseil acquière une capacité à mobiliser rapidement l’information et l’expertise technique adéquates. Il est donc indispensable que le Groupe développe des relais importants vers la recherche et d’autres partenaires et soit en mesure de constituer et d’animer un réseau d’« experts » (recherche, universités, autres services de l’Etat, etc.) couvrant l’ensemble des besoins identifiés. Il apparaît néanmoins illusoire dans un contexte de ressources financières et humaines limitées, que le Groupe puisse assurer seul l’ensemble des fonctions de conseil nécessaires. Sa fonction dès lors tendra vers l’appui à l’identification et à l’émergence de nouveaux arrangements entre acteurs locaux pour améliorer l’accès des agriculteurs à des services (relation avec les agents vétérinaires privés, les banques, d’autres groupes de producteurs, etc.). Enfin, afin de délivrer efficacement ses messages, il devra nécessairement développer et/ou recourir à des outils de communication et de pédagogie adaptés.
Si le recours à ces nouvelles méthodes de travail avec les acteurs de la filière semble nécessaire, leur mise en place par les services constitue une remise en cause en profondeur des pratiques actuelles. Elle suppose en effet une évolution des services de l’Etat depuis un rôle de gestionnaire hiérarchique du développement local vers celui de médiateur entre plusieurs institutions, de facilitateur pour l’animation autour des expériences paysannes, de coordinateur de réseau, de monteur de projet (identification et création de projets locaux pour mobiliser des fonds), fonctions pour lesquels les agents de l’Etat ne sont pas formés.
Ces recherches ont permis d’identifier les enjeux technico-économiques et socio-institutionnels de la filière porcine dans le delta du fleuve rouge. Elles ont permis de définir et de mettre en place avec les acteurs concernés une stratégie de développement pour une filière porcine compétitive basée sur un tissu de producteurs familiaux et d’acteurs locaux. Celle ci repose sur la création de nouvelles formes d’organisations économiques (groupes de producteurs), l’émergence de nouvelles formes de coordination entre acteurs directs de la filière (contractualisation) et de nouvelles formes d’appui à l’agriculture (Groupe de conseil spécialisé), le tout visant à instituer un nouveaux mode de gestion concertée – co-gestion - entre l’ensemble des acteurs directs et indirects de la filière (modèle interprofessionnel).
Cette expérience montre l’intérêt de recourir à une approche combinant analyse et concertation pour aider à la définition d’une stratégie concertée de développement ainsi qu’à l’identification et à la mise en oeuvre de nouvelles formes d’arrangements institutionnels permettant de résoudre les principaux enjeux de l’agriculture vietnamienne, l’accès des agriculteurs au marché et la qualité des produits. Elle suggère que de telles approches peuvent être utilisées dans le cas d’autres filières agricoles. Cette recherche montre l’importance et la nécessité d’innovations institutionnelles pour le développement futur des filières. Ainsi, la mise en place de nouvelles institutions d’appui à l’agriculture, comme le Groupe de conseil spécialisé dans l’élevage porcin intégrant technique, organisation et marché, apparaît comme un exemple de nouvelle institution adaptée au nouveau besoin de l’agriculture vietnamienne. Par ailleurs, la mise en place à terme de comités de pilotage locaux (incluant l’ensemble des acteurs – producteurs, commerçants privés et d’Etat, services publiques, autorités et recherche) pour débattre régulièrement de la stratégie de développement des filières apparaît comme une perspective de formalisation du processus engagé visant à la mise en place d’une gestion concertée de la filière. La mise en place de tels comités à un niveau provincial voire national pourrait constituer à terme un moyen de résoudre à une plus large échelle les enjeux identifiés comme faisant consensus actuellement (instabilité des marchés, qualité) mais également d’aborder les nouveaux enjeux qui se profilent avec de plus en plus d’acuité que sont ceux de la qualité sanitaire des aliments et de la protection de l’environnement.
Cette expérience montre enfin le rôle que peut jouer la recherche pour aider à l’identification et la mise en place concertée de solutions aux problèmes de filière et souligne l’importance du rôle de l’Etat, qui demeure la seule entité collective connue et légitime, dans l’émergence de nouvelles formes de coordination. Ainsi, il apparaît nécessaire que l’Etat favorise l’émergence de représentation des acteurs (producteurs5, autres professions), qui font encore défaut et qui limitent les capacités d’organisation d’un dialogue et d’une concertation entre les acteurs. D’autre part, il apparaît également nécessaire que l’Etat crée un cadre légal pour reconnaître de nouvelles formes d’organisations interprofessionnelles. Enfin, ces recherches suggèrent l’intérêt d’une évolution du rôle de l’Etat et du fonctionnement de ses services pour assurer les fonctions d’animation et de médiation entre les acteurs nécessaire à l’établissement d’une cogestion des filières.
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