Benoît Thierry , Chargé de Programme FIDA
Capo-Chichi Marlène
, Institut Supérieur Technique d’Outre Mer
Octobre 2008
Programme de Promotion des Revenus Ruraux ( PPRR )
Apports du PPRR à l’élevage porcin à Analanjirofo, région de Tamatave (Madagascar)
Une étude sur l’élevage de porcins a été faite à Analanjirofo dans la région de Tamatave à Madagascar. A Madagascar, la filière porcine est très répandue et constitue une source de revenus non négligeable pour les éleveurs. Des enquêtes ont été menées dans 10 organisations paysannes (OP) et 7 élevages non financés par le PPRR. Etant donné les objectifs de financement qui prévoyaient de favoriser des Activités Génératrices de Revenus (AGR), les résultats obtenus sont positifs : 30 % des OP sont à leur 3ème cycle d’engraissement et 30 % des microprojets ont déjà atteint le nombre d’animaux prévu.
Toutefois il est nécessaire de combattre sérieusement la Peste Porcine Africaine (PPA) qui décime le cheptel porcin et d’améliorer les conditions de commercialisation pour obtenir de meilleurs résultats.
Mots clés : élevage porcin, Peste Porcine Africaine PPA, PPRR, Tamatave, Madagascar.
Le Programme de Promotion des Revenus Ruraux (PPRR) appuie les producteurs vulnérables de la région de Tamatave, région Est de Madagascar. Il est financé par le Fonds International pour le Développement Agricole (FIDA). Dans le cadre du suivi-évaluation des filières soutenues par le programme, des études filières sont réalisées afin de déterminer les situations de référence et les améliorations effectuées par le projet. L’élevage porcin, très répandu à Madagascar fait l’objet de cette étude.
Milieu d’étude : Région d’Analanjirofo, province de Tamatave
Des enquêtes (sous forme de questions semi-structurées) ont été réalisées dans la localité d‘Iazafo, localité appartenant à la zone rurale de Tamatave (Analanjirofo), qui bénéficie des actions du PPRR. Les enquêtes ont concerné essentiellement les éleveurs de porc : ceux non financés par le programme, et les Organisations Paysannes (OP) de base bénéficiaires des microprojets financés par le même programme. Des informations ont été recueillies sur la conduite de l’élevage en général et les modes de commercialisation. Au total, 17 élevages ont été visités ou enquêtés dont 7 non financés et 10 Organisations paysannes (OP) appuyées par le PPRR.
La filière porcine à Madagascar est positionnée au 2e rang (en valeur) et au 3e rang (en nombre) par rapport aux autres types d’élevage : bovin, caprin, ovin et avicole (Humbert, 2006). Les régions productrices sont Antananarivo, Bongolava et les régions du lac Alaotra et Boina. Ces deux dernières sont des centres historiques de production porcine. Mais il faut signaler que l’élevage porcin est répandu un peu partout sur l’île et constitue une source de revenus non négligeable pour de nombreux ménages. La région de Toamasina ou Tamatave regroupe seulement 2,1 % du cheptel porcin de Madagascar (Recensement des Communes, Programme Ilo, Cornell University/FOFIFA/INSTAT, 2001). C’est un élevage encore traditionnel avec peu de technique et qui est sans cesse frappée par la peste porcine. C’est le cas des élevages de la région d’Analanjirofo.
Dans la région d’Analanjirofo, la race porcine locale est en voie de disparition. Celle qui domine aujourd’hui est celle obtenue des croisements (hybridation) entre la race locale et les races importées : Landrace et large White. Elle est appelée « race métisse ». Les races améliorées sont présentes sur le territoire depuis plusieurs décennies. Les caractéristiques de la « race métisse » sont inconnues et difficile à déterminer. En effet, elles diffèrent d’un animal à un autre car les degrés de croisement entre les différences races ne sont plus maitrisés. Par ailleurs, le prêt d’un verrat d’un élevage voisin pour aller saillir une truie est une pratique connue et acceptée. Elle favorise ainsi la consanguinité. Mais moins de 40 % des élevages ont des animaux reproducteurs (source : nos enquêtes 2008). La majorité des élevages se consacrent essentiellement à l’engraissement. La durée de l’engraissement peut varier de 4 à 12 mois et est fonction de l’âge de l’animal et de la conduite de l’élevage : habitat, claustration, ration alimentaire et soins.
La ration est en général composée de son de riz, de son de blé, de restes de cuisine et parfois de poudre d’os. Certains éleveurs complètent cette ration avec des bananes vertes cuites, des fruits comme les jacques et du fourrage. Les exploitations qui produisent des produits vivriers autres que le riz, comme le manioc ou le maïs, en conservent une partie pour l’alimentation des animaux. Les mangeoires et les abreuvoirs sont communs et sont faits en matériaux locaux (bambou). Il en est de même pour l’enclos et la clôture. L’inconvénient est l’entretien permanent que cela nécessite. En effet, lors de la croissance des animaux, à cause de leur poids et du développement de leurs groins, ils arrivent plus facilement à abimer les matériaux qui ne sont pas assez résistants. La main d‘œuvre est familiale et rarement salariale. L’élevage est encore traditionnel et les coûts de l’alimentation sont déjà assez élevés pour ces ménages ruraux assez pauvres.
Les revenus faibles de ces ménages d’éleveurs ne facilitent pas l’investissement dans les soins et la prophylaxie. Parmi les élevages visités, 80 % se limitent au traitement des parasites internes et externes avec des médicaments polyvalents (Ivomec). Le vétérinaire n’est sollicité qu’en cas d’incapacité des éleveurs. Mais dans la plupart des cas les éleveurs laissent plutôt mourir les animaux car ils n’ont pas les moyens de payer les soins.
Les maladies habituellement rencontrées sont : la gale, la diarrhée, mais surtout la Peste Porcine Africaine (PPA). Selon la Maison du Petit Elevage (MPE), cette pathologie a été introduite dans l’île en 1996 ou 1997, sans doute à partir du débarquement d’eaux grasses par des navires dans le Sud du pays. Elle est entretenue par les pratiques d’élevage extensif d’une part, d’autre part par certaines méthodes (divagation des porcs, nourriture à base de déchets de cuisine), et sans doute par l’existence d’un cycle sauvage sur des potamochères. Si le premier réseau de surveillance épidémiologique a été instauré depuis 1999 seulement, et qu’une section de diagnostic a été mise en place à l’institut Pasteur de Madagascar, c’est parce que la PPA n’a pas été rapidement diagnostiquée. En effet, les symptômes étaient les mêmes que celui de la Peste Porcine Classique (PPC). Le pic de l’épidémie de la PPA à Madagascar se situe entre septembre 1998 et mars 1999. Depuis, seuls des pics sporadiques dans de nouveaux élevages ou dans des élevages ayant déjà été infectés se produisent. La maladie est à présent considérée comme enzootique sur quasiment tout le territoire.
La PPA a un effet négatif sur les revenus des ménages. Les pertes dues à la PPA ont été extrêmement importantes : mortalités directes, abattage sanitaire et arrêt des activités. On estime qu’entre 1997 et 1999, 50% du cheptel porcin a été décimé. Ceci représente une perte de plus de 21 millions d’euros par an. De plus, le prix de la viande à l’état a été multiplié par deux, la viande de porc étant devenue un produit de luxe pour de nombreux Malgaches.
Chaque année la PPA revient et occasionne des pertes dans les élevages. Cette année (2008) encore, des animaux sont morts dans la zone d’Analanjirofo à cause de la PPA. Les statistiques ne sont pas encore disponibles. Certains élevages n’ont pas été touchés parce qu’ils sont situés dans des zones enclavés. Cela justifie l’existence de barrières naturelles. La maladie se déclenche surtout en période de chaleur, de septembre jusqu’en décembre. En raison de l’inexistence de vaccin, il est difficile d’éradiquer la maladie. De plus, dans la région, les éleveurs n’étant pas formés, organisés entre eux ni encadrés, ils ne prennent pas les dispositions qui s’imposent. Ils sont mal informés ou ne le sont pas du tout. Durant la période de passage de la PPA, les prix chutent énormément : une baisse de 37,5 % a été observée cette année. Les éleveurs liquident leurs porcs ou préfèrent attendre la fin de l’épidémie. Dans ce cas, cela occasionne des dépenses en alimentation supplémentaire ou le risque de perte des animaux par contamination.
En temps normal, l’éleveur parcourt une distance moyenne de 44 km avec son porc pour aller le vendre dans le grand marché le plus proche, ou les collecteurs se rendent dans les centres ruraux. La ville de Tamatave consomme plus de 40 porcs par jour (tous les animaux ne passent pas par l’abattoir) mais 5 % seulement provient de la région de d’Analanjirofo (zone rurale de Tamatave).
Cela s’explique par le caractère extensif de l’élevage porcin et de sa faible productivité qui ne peut pas satisfaire les besoins du marché. En outre, la clientèle de la ville de Tamatave est plutôt exigeante. La plupart de la viande commercialisée provient des porcs de race améliorée, qui correspond à la demande de la classe aisée. Cette viande coûteuse (20 % plus chère que la viande de bœuf à Tamatave) n’est accessible qu’aux classes aisée et moyenne.
Etant donné l’existence du marché, le PPRR appuie les éleveurs de porcs à travers des microprojets de porciculture (engraissement). Au total, 10 Organisations Paysannes (OP) ont été financées dans la localité d’Iazafo et par conséquent 10 microprojets porciculture (engraissement) ont été appuyés.
En plus de l’intervention du PPRR, les apports des bénéficiaires représentaient 23 % des fonds alloués. Mis à part les fonds, les éleveurs ont été formés et sont suivis par des Conseillers agricoles (CA) au moins durant tout le premier cycle des activités. Au total, 70 membres d’OP ont été appuyés dont 44 % de femmes.
Les résultats sont dans l’ensemble positifs car deux OP sont à leur 3e cycle d’engraissement et le nombre d’animaux prévus à ce stade par le projet a quasiment déjà triplé dans 20 % des microprojets. Par ailleurs certains membres essaient de diversifier en introduisant des reproducteurs. Même si les difficultés dues à la commercialisation et au passage de la PPA persistent, les éleveurs ont pu pour la première fois être encadrés dans la région.
Les revenus obtenus ont contribué à l’amélioration des conditions de vie des bénéficiaires. Mais la PPA reste encore un handicap pour le développement de l’élevage porcin dans la région d’Analanjirofo. Les éleveurs soutenus par le PPRR accordent plus d’importance à l’hygiène de leur élevage, toutefois il y a encore des efforts à faire. Par ailleurs, le programme n’a pas encore pu améliorer les conditions de commercialisation à cause de la production qui reste très faible.
L’élevage porcin dans la région d’Analanjirofo est une activité à fort potentiel. Le porc est un animal plus ou moins prolifique et les cycles de production et d’engraissement sont relativement courts. Etant donné l’objectif du PPRR de promotion d’activité génératrice de revenus, la porciculture est une activité intéressante. Elle pourra en effet assurer de meilleurs revenus aux producteurs dans des délais courts et répondre ainsi à leurs besoins. Pour cela, il faut que le PPRR oriente ou accentue une partie de ses apports sur la prévention et ou l’éradication de la PPA.
Capochichi_FIDA_Madagascar_2008 : Etude_porciculture_FIDA_Madagascar.pdf (832.70 kB)
Marlène Capochichi , 2008. L’élevage porcin dans la région d’Analanjirofo (Tamatave, Madagascar). ETUDE DE CAS PROGRAMME PAYS MADAGASCAR. Programme de Promotion des Revenus Ruraux (PPRR). FIDA; 19p.
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